En 1872, Louis Carrère quitte Cazaux-Debat pour aller à Conception, au Chili. Il y est bientôt rejoint par son frère, Gérard. Pourquoi partir si loin ? Et comment ont – ils fait ? C'est ce que nous allons essayer de savoir.
La famille Carrère habitait dans la carrère, la maison située entre les deux fontaines. Elle existe toujours, mais elle a été fortement remaniée.
La fontaine située devant la maison des Carrère a longtemps été la seule source du village....
... Avec celle située en dessous de leur maison, dans la carrère
A cette époque, habiter à côté de la fontaine devait constituer un avantage indéniable. Les deux fontaines de la place de la mairie n'existaient pas encore. Pourtant, les Carrère n'étaient pas riches. Ils devaient louer des terres à une personne de Bagnères de Bigorre, sans doute un membre de la famille Féraud.
Ce dernier fait gérer ses biens par un homme de Capvern. Par une lettre du 17 août 1872 ce dernier écrit à Carrère pour lui donner des instructions précises sur les champs à ensemencer, avec
quoi, quand, etc. « Vous ensemencerez la Vigne [ nom d'un champ, NDLR]et aux Palles [Idem], du côté du champ à M. Féraud, la moitié du champ et du côté à celui de Davezan nous y ferons de la
pomme à terre». Les carrère ont également quelques vaches.
La famille a quatre enfants : Louise, l’aînée habite à Bordeaux. Elle y est rejointe par sa petite sœur, Flavie. Et il y a les deux frères, le grand, Louis et le petit, Gérard.
La correspondance avec leur père montre que les enfants et le père Carrère ont appris à lire et à écrire. Ils montrent à plusieurs reprises du respect pour leur instituteur, monsieur Rey.
Toutefois, les phrases qu'ils emploient sont faites de tournures gasconnes écrites en français. Louise Carrère termine ses lettres en gascon : « Qué hé héret escounébous pla à
ououts dano en ta , larespés a ouéts gusun prés ? » [que traduise qui pourra ! NDLR]
Il semble que la mère n'a pas appris à lire. C'est le père qui lui lit les lettres.
Les enfants Carrère quittent le village à partir de 1870. Ils ne sont pas les seuls. Ils ne sont pas les premiers ni les derniers.
Depuis très longtemps, les pyrénéens ont pris l'habitude de quitter leur montagne pour partir en Espagne ou en France méridionale. Ils sont artisans, aident au ramassage des
légumes, ils sont curés. Le diocèse du Comminges a longtemps fourni des curée jusqu'au Massif Central. Au 19ème siècle, la démocratie explose. Les Pyrénées Atlantiques et les Hautes Pyrénées sont
les deux départements d'où partent le plus d'émigrants. L’Espagne n'est plus le pays de cocagne des siècles passés. Ils partent vers Bordeaux (17000 bigourdans habitent bordeaux en 1896), Paris
(7500 bigourdans en 1911), et en Amérique du Sud. 75 % des émigrants des Hautes Pyrénées partent pour l'Argentine en 1870.
Au total, entre 1832 et 1913, 25000 habitants des Hautes Pyrénées sont partis pour l'étranger.
Ils partaient d'abord pour avoir une vie meilleure. La montagne ne pouvait plus suffire pour nourrir une population en constante augmentation. L'exemple de la famille Carrère est
très éclairant sur ce point : les enfants ont eu de l'instruction et recherchent un avenir en lien avec leur capacité. Ils ne renient pas leur racine paysanne, comme le montre leur respect
des traditions de Cazaux–Debat, et les références à la Saint Saturnin, le Saint Patron du village qu'ils fêtent même à Bordeaux, l'usage du patois, l'intérêt aux activités agricole du père.
L’Amérique du Sud, dans ces années 1870, apparaît comme une destination séduisante. L'Amérique du Nord sort d'une période de guerre civile. De plus, la côte Est est colonisée et
désormais, les colons européens ont le choix entre les terres de l'ouest sauvage et la Californie qu'il faut rejoindre en faisant le tour de l'Amérique du Sud. Depuis l'échec de l'expédition au
Mexique entreprise par l'Empereur Napoléon III, les Français ne doivent plus être très populaires en Amérique centrale. Il reste l'Amérique du Sud.
A cette époque, le Brésil, les pays du Rio de la Plata (ceux qui sont aujourd'hui l'Argentine et l’Uruguay), et le Chili développent une politique d’immigration en direction des pays
d'Europe Méridionale (Portugal, Espagne, France du Sud, Italie), mais aussi des pays d'Europe centrale et méditerranéenne (Croates, grecs, palestiniens). Ces pays sont en plein
développement agricole et industriels. Comme en Europe, ils s’équipent de chemins de fer et de télégraphes. Les villes grossissent et ont besoin d’artisans, de commerçants, de médecins,
d'instituteurs. Il faut aussi des agriculteurs et des éleveurs.
Les ordres religieux présents dans les Hautes Pyrénées participent à cette émigration : les père bénédictains de Tournay sont installés au Brésil, les pères de Bétharam à
Montevidéo, et les pères Lourdistes de Garaison participent à la fin du 19ème siècle à l’organisation des diocèses argentins.
Dans ce mouvement, le Chili est un peu à part. Ce pays apparaît comme une étape vers la Californie où de l'or a été découvert en 1842. Il équipe les chercheurs d'or et les
bateaux qui se rendent en Californie. Ses ports, en particulier Valpareso, retiennent toute une population d'immigrés clandestins, d'aventuriers, de déserteurs, de marginaux débarqués des
bateaux et d'insoumis. Le gouvernement chilien décide donc, comme les argentins et les uruguayens, de mettre en place une politique d'immigration organisée et ciblée. Pays d'immigration venue du
Pays Basque et du Sud de la France, le chili acceuille de nombreux immigrants un provenance d'Allemagne et de l'Empire d'Autriche- Hongrie, ainsi que du bassin méditerranéen.
Des agences, des compagnies maritimes et des particuliers organisent cette immigration par des campagnes de publicité et de la propagande sur les marchés des Pyrénées.
Ainsi, en 1860, la compagnie des Messageries Maritimes décide de mettre en place une ligne postale (c'est à dire subventionnée par l'Etat à la différence des lignes commerciales) régulière vers l'Amérique du Sud. Partant de Bordeaux, les navires iront dans un premier temps jusqu'à Rio de Janeiro, en passant par Lisbonne et le Sénégal. C'est pour les besoins de cette ligne que, la rade de Gorée étant jugée dangereuse, la compagnie fonde le port de Dakar. Cette ligne fonctionne sans interruption jusqu'en 1912, avec une extension des voyages directs jusqu'à Buenos Aires.
Pour aller au Chili, Louis Carrère a recours à une autre compagnie, anglaise : la Pacific Steam navigation Company. Cette dernière a créé une ligne en 1868, Liverpool
- Bordeaux - Lisbonne - Cap-Vert – Salvador de Bahia - Rio de Janeiro - Montevideo - Punta Arenas - Valparaíso (à partir de 1870) - Arica - Mollendo – Callao.
Pourquoi une compagnie anglaise ? Les anglais, comme les améericains, sont très présents en Amérique du Sud en particulier pour l'installation du télégraphe. Une ligne transatlantique de télégraphe a été installée en 1865 entre l'Europe et le Brésil. L'agence Reuter (anglaise) et l’agence Havas (Française) ont conclu des accords pour installer des correspondants en Amérique du Sud. Ces agences de presse et de publicité liées au développement du télégraphe participent à l'organisation de l'immigration vers l'Amérique du Sud : campagnes de publicité, communication, information. Le déplacement et l'installation d'immigrants est en effet un processus complexe et risqué comme on va le voir avec les aventures de Louis Carrère et de son frère.
Louis Carrère, l'explorateur
Louis Carrère a quitté Cazaux-Debat très jeune, sans doute avant 21 ans, en 1872. A ce moment là, il n'avait pas effectué son service militaire. Beaucoup d'émigrants pyrénéens,
Basques, Béarnais ou Bigourdans étaient considéré comme réfractaires au service militaires. Ces deux départements étaient depuis longtemps, avec l’Ariège, ceux qui comptaient le plus de
réfractaires et de loin. Il y a ceux qui partaient pour échapper à l'armée, ceux qui partaient et ne pouvaient revenir effectuer leur service militaire et ceux qui, comme Louis Carrère sans
doute, considéraient que quitte à émigrer, autant le faire avant d'avoir effectué son service militaire. A cette époque, le service militaire durait longtemps, et était dangereux. Le règne de
Napoléon III avait connu de nombreuses guerres, la dernière particulièrement violente ayant emportée le régime. Émigrer coûtait cher, 300 francs jusqu'à Buenos Aires, quant un ouvrier agricole
gagnait 200 francs par an. Mais avoir un enfant sous les drapeaux était aussi une charge pour les familles, surtout quand il rentrait mutilé comme le fils Bégué.
Louis Carrère part à Conception, au Chili car des membres de la famille s'y trouvent déjà, dans le commerce. Il est attendu.
Il part par la diligence jusqu'à Lannemezan,
puis par train jusqu'à Bordeaux. .
Là, il reste quelques temps chez sa sœur, Louise, elle-même hébergée par son oncle et sa tente. Le temps d'organiser son voyage. Il part par un baterau de la acific Steam navigation Company.
Lisbonne, Le cap vert, Salvador de Bahia, Rio de Janeiro... et là le voyage tourne au drame. Il fait naufrage entre Rio de Janeiro et Montevideo.
Extrait d'une lettre de Louis Carrère, adressée à ses parents quand il est parvenu à Conception, but de son voyage : il décrit le naufrage dont il a été victime avec ses compagnons au Cap ( au nord de Montevideo) :
Le bateau a dû s'échouer sur des bancs de sable : une barque a été mise à l'eau
« avec 4 marins et un passager qui a voulu sauter par force mais à peine ont-ils été à l'eau qu'une vague est arrivée et a fait chavirée la barque 1 seul marin s'est sauvé à la vue de cette catastrophe on a attendu que la mer se calme un peu. Enfin vers 2 heures la mer s'est un peu endormie et on a mis une autre embarcation à l'eau mais personne ne voulait descendre cependant il y a eu 3 ou 4 individus qui s'y sont jetés et ils ont eu le bonheur d'arriver à terre. Tout le monde voulait sauter à la fois et il a fallu que les chefs le capitaine en tête mettent un peu d'ordre mais on n'a pas pu y réussir tout à fait. Les hommes sautaient du pont à l'embarcation.
Au cap nous avons trouvé des Français qui ont fait de leur mieux pour nous recevoir Le 30 un bateau de guerre est arrivé à notre secours La moitié des passagers sont partis avec celui-là et l'autre partie nous avons été obligés d'attendre un autre bateau qui est arrivé le lendemain. Nous sommes partis le 31 du Cap vers 4 heures du soir . Pendant la nuit nous avons eu une tempête. Tous désespéraient de se sauver, même les chefs et à chaque pas le bateau se heurtait contre des bancs de sable et l'eau sautait par dessus le pont et entrait dans notre chambre à gros flots. Enfin nous sommes arrivés à Montevideo où nous sommes restés 2 jours au bras de la compagnie. »
Ils embarquent ensuite sur l’Aconcagua, le bateau qui les suivait et qui lui aussi, avait subit des avaries : « le bateau a toujours balancé quand il faisait du vent ». Ils arrivent enfin à Conception, où ils sont très bien reçus « par nos parents ». Ils trouvent la ville « assez tranquille ».
L'Acongagua
Louis Carrère s'installe dans sa nouvelle vie. Lors du naufrage, il a dû perdre tout ou partie de ses bagages, car il reste redevable de ses parents :
"Conception, le 12 avril 1873
Mes chers parents,
J'ai reçu ces jours derniers deux lettres de Louise et dans lesquelles j'ai trouvé un billet de mon père. L'une des lettres que j'ai reçue est celle que Louise a donnée à Georges et que j'ai reçue le 24 mars et l'autre, m'est parvenue au 1er avril. Jamais vous ne pourriez vous figurer quel plaisir j'ai ressenti en recevant ces lettres. Car voyant un aussi long silence de votre part je m'imaginais que quelque malheur avait frappé la famille et cette idée m'accablait. Enfin votre lettre est venue me sortir de ces angoisses.
Quant ce que vous me dites par votre dernière m'a fait plaisir à l'exception de la nouvelle que ma mère a été malade, hélas ! Je crains beaucoup pour elle sa faiblesse et les peines
qu'elle a à supporter me font craindre que je n'aie le temps de faire assez pour elle. D'abord quand je ferais tout mon possible je ne ferais jamais assez. Seulement il me presse de pouvoir la
soulager ainsi qu'à mon père et à toute la famille et vous pouvez croire que sitôt que je pourrais vous ne serez pas oubliés.
En attendant, soignez-vous de votre mieux et surtout soignez ma mère. Vous me dites que vous avez vendu la grange et que vous attendez mon adhésion pour finir de conclure l'affaire. Non
seulement je vous approuve de vendre la grange mais encore si vous pouviez vous défaire de la terre faites le et ne conservez que les meilleures pièces et profitez de l'argent. Quand à mes sœurs,
mon frère et moi nous vous chargeons, si Dieu vous accorde la vie, de leur donner la valeur de leur portions. Croyez moi, si vous voulez me rendre content, Aussi bien sûr ni mon frère ni
moi n'avons jamais travaillé le bois et je préfère n'avoir que 2 ou 3 pièces des plus jolies que toutes ces garabines.
Vous me demandez également si nous sommes bien nourris. Croyez-vous donc que nous allons mourir de faim ? Si vous aviez nos restes seulement vous croiriez faire Saint Saturnin. Ici nous travaillons nous dépensons pour la seule cuisine 18a 20 sous par jour sans compter ce que nous fournissons du magasin et pourtant les vivres ne sont pas plus chers qu'en France et peut être même moins.
Bien souvent quand je vois que des gigots presque entiers restent pour la cuisinière je songe à vous autres et je me dis : si mes parents avaient ceci avec quel appétit ne le mangeraient-ils pas. Quand à la nourriture ne vous en préoccupez pas car nous sommes aussi bien que M. Thiers. Je ne m'ennuie pas non plus parce que j'ai assez de distractions au magasin ensuite une autre chose m'en empêche c'est l'espoir.
Une autre fois, je vous donnerais de plus amples détails sur tout. Maintenant, je me borne à vous dire que je jouis toujours d'une parfaite santé, plaise à Dieu que vous ayez le même
bonheur.
Dieu, mes chers parents, soyez assez bon pour me croire toujours
Votre fils respectueux
Carrère Louis
PC : dites à Flavie que je la remercie beaucoup des sacrifices qu'elle ferait pour moi et qu'à la prochaine lettre je lui écrirai un billet.
Faites mes compliments à M. l'abbé, la famille Bégué, Couret en particulier à la famille Navaillon. Dites leur que leur fils leur fait également bien des compliments. Vous n'oublierez pas non
plus la famille Saubiran. Vous leur direz que Bertrand se porte bien et qu'il commence à parler le castellano, qu'il va leur écrire aux 1ers jours. A plus tard les longs détails."
Ces lettres montrent que Louis Carrère n'est pas parti seul, des personnes connues de ses parents l'ont accompagnées, précédées ou suivies. Il y a toute une colonie issue de Cazaux-Debat et des villages des environs qui se retrouve à Conception.
En 1873, le groupe perd l'un des siens. Louis Carrère demande alors à son frère de le rejoindre :
Lettre de Louis Carrère à son frère Gérard
"Conception le 16 juin 1873
Mon cher frère,
Je crois que vous ne devez pas ignorer le grand coup qui vient de nous frapper. C'est de la mort du pauvre Simon que je veut parler. Ce décès si inattendu nous a jetés tous dans une grande
désolation. Mais hélas ! Qui faire ! Nous ne sommes pas les maîtres. Il faut se résigner et recevoir bon gré mal gré ce que la Providence veut bien nous envoyer. Cependant, nous n'avons
pas perdu courage. Au contraire, nous devons le prendre à deux mains et faire tout notre possible pour atteindre le but que nous nous étions proposés. Et quoi que la tête manque, nous avons
encore une grande confiance en ceux qui restent. Et nous rêvons de grands projets. Et pour qu'ils se réalisent un peu plus tôt, voici ce que nous avons imaginé.
C'est, mon cher frère, je vais seulement te le déclarer tant je vois déjà la peine que çà va te causer de devoir te séparer de tes parents et amis. Enfin, je reprend courage et je vais te
dire franchement ce que nous avons Combinés. C'est de te faire venir avec le petit de Marie Jeanne cette même année.
Vous devriez donc prendre la mer au mois d'octobre ou novembre au plus loin.
Si ça te convient, écris-nous de suite et va-t-en à Bordeaux sur le champ jusqu'au moment du départ. En attendant, on te fera un petit trousseau à la maison et on te l'enverra.
Maintenant, je vais t'ouvrir franchement mon âme. Si tu as l'idée de ramasser quelque chose, viens-t'en ici à bien travailler. La traversée t'épouvantera, il est vrai mais tu prendras la 2ème
et jusqu'à Montevideo ne crains rien tu ne manqueras pas de compagnie et en 2ème on est bien. Quoique nous ayons naufragés nous autres, cela ne veut pas dire que tous les vaisseaux font naufrage.
Et ensuite si un pareil cas arrivait, ce qu'il ne faut pas désirer. Il faut avoir du courage et on se pose presque toujours. Il faut aussi très obéissant et ne jamais se fâcher. D'ailleurs tu
t'en ouvriras avec ton frère qui te donneras les conseils nécessaires.
Si tu te décides, ce que je t'encourage à faire, réponds à la lettre et sans attendre la réponse parts pour Bordeaux sur le champ. Je te joints ici la liste de ce qu'il te faut.
En attendant le moment de pouvoir te serrer sur mon cœur crois toujours à l'attachement de celui qui aime à se dire avec amour,
ton frère dévoué,
Carrère Louis
Voici le trousseau de mon frère
Un habillement neuf et un autre bon également – et un autre médiocre pour la route
2 chapeaux, 1 pour la route et 1 autre neuf.
6 ou 8 chemise blanches bien faites « col grand » et rabattu les miennes que j'ai dû refaire à cause des cols trop petits - 1/2 douzaine en couleur les chaussettes de toutes celles que tu pourras en laine mais fines.
En suite deux paires de bottines.
4 essuie-mains ;
½ douzaine de mouchoirs de poche ;
tu prendras 4 ou 5 gilets en laine (bruts) de ceux que j'ai acheté moins de 8 francs. Louise te le diras.
Voilà tout ce qu'il te faut. Puis tu prendras un corset de nage de sauvetage que tu achèteras à Bordeaux, quelques livres tels que une géographie, un atlas, une histoire de France compliquée que j'ai déjà demandé à ma sœur ainsi que l'histoire de la guerre de 70-71 et l'histoire de Napoléon et une bonne arithmétique. Tu porteras des cigares et du tabac et pour toi aussi fais en suivre ainsi que 2 ou 3 bouteilles de rhum ou de Cognac.
Je t'écrirais de nouveau dans peu de temps maintenant je suis bien pressé.
Lettre à ses parents, par le même envoi :
"Mes bien-aimés parents,
Quand vous lirez ou quand vous entendrez lire ces quatre lignes vous aurez le cœur bien gros je n'en doute pas. Je connais bien votre excellent cœur de père et de mère pour ne pas en être
ainsi. Ah ! Combien de fois ne vous emportez vous pas contre moi qui suis l'auteur de vos douleurs ! Chers parents, veuillez bien me pardonner et croyez toujours que je ne vous
oublierai jamais je vous en supplie ne vous alarmez pas, prenez au contraire du courage et songez que ce n'est seulement que pour un délai qui peut être court et qu'après vous pourrez voir vos
fils dans l'aisance et vous autres, cher père et chère mère les peines que vous souffrez maintenant pourront être dédommagées par une vieillesse paisible et heureuse.
Bien-aimés parents je vous en prie, accordez-moi la faveur de ne pas trop vous désespérer. C'est votre fils qui vous demande cette grâce accordez-là lui.
En attendant veuillez avoir la bonté de me croire toujours votre respectueux fils qui donnerais cent fois sa vie pour vous
Carrère Louis"
Le frère s'exécute. Est-ce que ce projet a été concerté avec les parents ? Ces derniers ne s'y opposent pas. Sinon,cmment le jeune Gérard aurait-il pu financer son expédition ? Car s'en est une, pour lui aussi :
Bahia le 15 septembre 1874
Mes bien aimés parents,
Excusez moi si j'ai retardé tant à vous écrire plus directement car j'ai écrit à mes sœurs en croyant et je pense que mes sœurs vous ont remis la lettre parce qu'il y en avait la suite pour vous.
Nous sommes arrivé à Bahia avec une rapidité étonnante car demain nous allons arriver à Rio de Janeiro et nous ne sommes que 18 jours seulement. Je suis été malade 3 ou 4 jours du mal
de mer la figue s'est mise à enfler et j'ai beaucoup souffert. Je suis allé voir le médecin qui m'a purgé.
Mes chers parents, je mange. Et je suis en bonne santé. […] »
Il parvient semble-t-il sans encombre à Valparaiso puis à Conception. Les deux frères sont maintenant réunis, pour participer au développement de leur nouvelle patrie, le Chili.
Bateau d'immigrés dans le port de Valparaiso