Bonjour, aujourd’hui, je vous propose d’explorer l’Histoire de Cazaux-Debat et Ris en m’appuyant sur le livre de Benoit Cursente, Des maisons et des hommes, la Gascogne médiévale (XIème-XVème siècle), paru aux Presses universitaires du Mirail en 1998.
Né en 1945 à Orthez, et professeur à l’université Toulouse 2, Benoit Cursente est un historien de l’habitat et de l’évolution des villages de la Gascogne médiévale. Influencé par les tenants d’’une « géo-Histoire », il a notamment écrit sur les calstelnaux en Gascogne. Dans son ouvrage Des maisons et des hommes il se propose de retracer l’Histoire de l’habitat rural en Gascogne, de la mise en place des casaux aux premiers bourgs.
Dans un premier temps, l’auteur commence par exposer son sujet et notamment les difficultés auxquels il s’est confronté. Pour l’étude de la Gascogne médiévale elles sont double, d’abord le manque de source écrite avec très peu de textes sur les époques précédant la fin du Moyen-Age, mais aussi peu de sources archéologiques puisque peu de fouilles ont été menés sur la région. Aussi le médiéviste doit-il s’adapter et prendre comme objet d’étude une région assez vaste, ce qui lui permet de croiser un maximum de sources. Dans le cas de M. Cursente, il s’agit de la Gascogne qui s’étend sur les actuels départements des Pyrénées-Atlantiques, des Landes, des Hautes-Pyrénées, ainsi qu’une partie de la Gironde et de la Haute-Garonne. Une région bordée au Nord par la Garonne et au Sud par les Pyrénées. Cependant pour l’auteur, malgré ces forts contrastes géographiques, il s’agit d’une région suffisamment homogène du point de vue historique culturel pour être étudiée dans son ensemble.
Cependant, si l’auteur explore l’ensemble de cette vaste région, je vous propose quant à nous de nous concentrer sur l’étude des Pyrénées centrales et comment le phénomène des casaux s’y est développé.
La genèse des casaux
Empire carolingien - Wikipédia
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre. - (87 ans et 19 jours) Oriflamme de Charlemagne Monogramme autographe de Charlemagne. Étendue de l'Empire carolingien en Europe. Population < 30 00...
Dans le gascon moderne, le sens du mot casal (au pluriel casaux) est assez flou et désigne plutôt un jardin ou un domaine rural. Cependant, le sens originel du casal semble s’être un peu perdu. En effet, le casal est au départ un bien fond, pour lequel le concédant garde pour lui la propriété éminente et concède au preneur la propriété utile contre le payement d’une rente fixe. Ou pour le dire plus simplement un propriétaire terrien loue à un tenant casal une maison et des terres en échange d’une rente fixe en monnaie ou en nature. Originellement, le casal est donc un élément clef de l’exploitation et de la mise en valeur des domaines agricole par l’aristocratie qu’elle soit laïque ou ecclésiastique.
Au vue du peu de sources écrites dont disposent les historiens, il semble difficile de dater avec précision l’apparition des premiers casaux. Cependant, il n’existe pas avant l’an 870 d’écrits mentionnant les casaux en Gascogne. Et avant le XIème siècle, ces derniers semblent être relativement rares. Aussi, les historiens pensent que les premiers casaux sont créés par les seigneurs vers la fin du IXème siècle afin de défricher de nouvelles terres dans le contexte d’une première croissance démographique médiévale d’avant l’an 1000. Une période charnière notamment marquée par la construction puis la chute de l’empire carolingien. Quoi qu’il en soit, les villages actuels ayant conservé le nom de casal ou cazaux seraient les héritiers de ces premiers casaux du IXème siècle. Il faut ensuite attendre le XIème siècle pour voir une multiplication des casaux en Gascogne, et les premiers ensembles de casaux jointifs. Ce mouvement de constitution de casaux s’accentuant jusqu’au XIIIème siècle, jusqu’à ce que les casaux constituent l’un des éléments caractéristiques de la Gascogne médiévale.
L’organisation des casaux
Le casal gascon médiéval est ainsi un instrument permettant l’exploitation agricole du territoire. Pour cela, il a deux fonctions, « la première est de servir d’assiette au prélèvement banal sur la production paysanne et la seconde est une fonction extra-économique de service ». En effet, les casaux ont dès leur origine un statu servile. C’est-à-dire que les tenants casaux sont les serfs du seigneur pour lequel ils exploitent la terre et auquel ils doivent en outre des redevances. Ces dernières peuvent être de diverses natures selon le seigneur et l’implantation géographique du casal. L’auteur remarque à ce sujet que les seigneurs laïques ont plus tendance à demander des services (surtout lorsque les casaux sont proches de leur château), ainsi que de l’avoine pour nourrir les chevaux en cas de guerre. Ainsi, au XIIIème siècle, dans le comté de Bigorre on demandait surtout aux casaux des redevances en avoine, dans la vallée d’Aure des redevances en espèces (de 12 deniers à 5 sous), quand l’abbaye de Simore demandait plutôt des prélèvements en nature. La nature des redevances pouvaient également dépendre de l’implantation des cazaux et de ce qu’ils pouvaient produire en fonction des territoires.
Quoi qu’il en soit, les casaux se constituaient toujours autour d’une maison dont dépendait des terres et à la quelle était attachée des droit dont l’exploitation des vacants, c’est-à-dire les bois et les eaux. Si la taille moyenne d’un casal semble être autour de 5 à 10 hectares, c’est-à-dire plus ou moins la surface dont a besoin une famille de paysans pour vivre correctement, la taille des casaux étaient en fait très variable. On retrouve ainsi des casaux de très grande taille (jusqu’à 100 hectares). Il existait trois cas de distribution spatiale des casaux, soit un assemblage d’enclos à proximité d’une église, soit un ensemble de parcelles habitées disséminés sur le territoire, soit une vaste et compacte unité foncière correspondant à un quartier de village.
Le casal était dominé par la figure du père de famille duquel dépendait le reste de la famille ainsi que les familles sujettes ou au moins dépendantes économiquement et qui implantaient leurs maisons autour du casal en échange d’une redevance versée au tenant casal.
Les mutations des casaux
De sa création au IXème siècle à son âge d’or au XIIIème, le casal a beaucoup évolué, et cette évolution a été très différente en fonction des régions et des forces en présences. D’une manière générale, après le XIIIème siècle, le casal en Gascogne s’est rarifié ou en tout cas s’est fondu dans le phénomène des maisons. Quant aux anciens casaux ils ont pâtis de leur statut serf, même si les droits qu’ils donnaient pour l’accès aux vacants notamment étaient encore recherchés. C’est à partir de cette époque que le casal a commencé à être synonyme de jardin. Pourtant, le casal s’est maintenu plus longtemps dans les zones de montagne où au contraire de la pleine les tenants casaux sont restés une élite paysanne proche de l’aristocratie. En effet, avant le XIIIème siècle en Gascogne, les tenants casaux servaient d’intermédiaire entre l’aristocratie et la paysannerie, malgré leur statut de serf ils n’en disposaient pas moins de moyens financiers plus importants que le reste des paysans. Des moyens permis notamment par une patrimonialisation des casaux et la mise en place d’un droit d’ainesse absolue dans certaines régions de montagne qui ont permis de conserver intacte les casaux. Les tenants casal se sont ainsi constitués en une classe intermédiaire entre la paysannerie et l’aristocratie et servaient d’intermédiaire entre les deux. Or, dans les hautes vallées de Pyrénées, les seigneurs avaient moins de prise et étaient obligés de composés avec les élites paysannes. Ces dernières en ont profité pour imposer un statut libre au casal. Ainsi, même si dès 1077, les casaux de montagne sont associés à des maisons définis comme des personnes morales, les tenants casaux n‘avaient aucun intérêt à la disparition des casaux, ce qui explique qu’ils aient perdurés plus longtemps en montagne. Ainsi, dans les casaux de montagne on voit apparaitre de véritables seigneurs de maisons. C’est-à-dire des pères de familles tout puissant dans l’espace domestique à l’égal d’un seigneur. Ces tenants casaux disposaient de terres qu’ils louaient à des maisons non casales filles, où à des casaux plus pauvres. Les casaux les plus puissants lotissaient ainsi les terres autour de la maison principale jusqu’à constituer des quartiers entiers. La taille d’un quartier indiquant la puissance d’un casal.