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La Révolution à Cazaux-Debat, 3ème partie : Ris fait la Révolution

par amisdecazaux 20 Septembre 2017, 21:48 Histoires du village

« En 1792 un incendie a éclaté, presque toutes les maisons ont été brûlées ainsi que l’église où se trouvaient les archives de la commune. » Pélieu, institutrice de Ris, 1887
L'église de Ris

L'église de Ris

Parmi les communes du Louron, Ris est à ma connaissance le seul village à avoir conservé une partie des délibérations du Conseil municipal datant de l’époque de la Révolution, celles des années 1791 à 1793. Le village comptait 68 habitants en 1793. Ris était un village très pauvre, à près de 1000 mètres d’altitude. Il était structuré autour de 10 familles « ou Maisons », de propriétaires, éleveurs de vaches, de moutons et de caprins, et cultivateurs de blés noir, de froment et de méteil. A Ris, on se nourrissait de soupe à midi, avec ce que le potage produisait : des choux, des poix, des lentilles, des haricots, des carottes, des épinards, de l’oseille. Le soir, on faisait cuir ensemble du lait, du beurre et de la farine de sarrasin ou de maïs pour faire le millas. On alternait avec des crêpes de Sarrazin. Le village ne comptait pas d’industrie, pas d’usines, pas de moulins, pas de manufacture. Le village était un lieu de pèlerinage dont l’origine était ancienne. A 200 mètres, dominant la vallée, la chapelle dédiée à Notre Dame des Neiges était le siège d’une confrérie, comptant 25 membres. Pour les habitants du village, les charges qui leur étaient imposées par les autorités ecclésiastiques du fait de cette chapelle étaient lourdes et mal vécues. Depuis longtemps, un conflit opposait la communauté villageoise, alliées à celle de Cazaux –Débat en dessous, au curé partagé en commun. Quand éclate la Révolutions, les deux parties ont élevé le contentieux au niveau du Parlement de Toulouse, lequel est dissous dans la nuit du 4 août 1789. C’est là que se trouve l’adhésion de la communauté aux idéaux révolutionnaires : la remise en question du clergé catholique et de ses droits à imposer la dîme et autres taxes et redevances.

La Révolution à Cazaux-Debat, 3ème partie : Ris fait la Révolution

Un village pauvre, qui doit se battre pour la survie de ses habitants

La première des délibérations parvenues jusqu’à nous est daté de juin 1792. Elle a été rédigée par le secrétaire de séance, Bertrand Nougué. Elle fait part des pertes de fonds agricoles intervenue dans la nuit du 25 au 26 décembre 1791. A la suite d’intempéries, des terrasses se sont éboulées, entrainant la perte  des champs qu’elles soutenaient. La commune demande de l’aide au District de la Neste, qui vient d’être mis en place quelques mois auparavant. En mai 1792, le conseil municipal enregistre la perte de la moitié de la récolte due à une gelée tardive et demande à nouveau l’aide du District. Celui-ci répond, en demandant précisément les besoins des habitants de la commune, pour subsister, et la réponse est précise et détaillée : la commune a besoin de 264 mesures de grain pour la subsistance de ses habitants, et pour les semences de l’année suivante. Elle en a perdu la moitié.

Photo aérienne du village de Ris: on perçoit la difficulté de retenir la terre

Photo aérienne du village de Ris: on perçoit la difficulté de retenir la terre

Le 10 juin 1793 le conseil municipal renouvelle un acte ancien et primordial : la désignation du berger qui va garder en altitude les troupeaux des 10 familles constituant la communauté villageoise. Le citoyen Bertrand Laurens dit Aspe est désigné comme berger des vaches de la commune « de la Saint Barnabé à la Sainte Catherine contre versement de 35 livres payables en deux fois […] et le citoyen Laurens Aspe de ladite commune s‘obligera à nous faire un pot de beurre ».

Le berger a signé la délibération de son nom.

Bergers

Bergers

En février 1793, le Conseil municipal, appelé alors « le Conseil général de la Commune », procédait selon la coutume locale aux enchères des fumiers des chemins « jusqu’au dimanche de la Saint Martin de l’année 1793 » : chaque habitant pouvait enchérir pour avoir le droit à l’exclusivité du ramassage du fumier de l’un des chemins communaux : le chemin de la Fontaine, jusqu’à 9 sous pour le citoyen Nougué, le chemin de la Bie de bas jusqu’à 11 sous pour le Citoyen Moulé, la place jusqu’à 14 sous pour le citoyen Cecille, le chemin de la Hount de Loup jusqu’à 4 sous pour le citoyen Vidallon, le chemin du Coudest jusqu’à 4 sous pour le citoyen Cecille.

Ainsi, pendant toute la période révolutionnaire, comme avant et comme après, les notables du village ont comme priorité d’assurer la survie de la communauté selon les règles anciennes : refaire les terrasses et les chemins, assurer la transhumance, quémander des secours pour faire face aux catastrophe. Ce village isolé sur sa montagne, l’un des plus éloigné de la route est pourtant touché triés tôt par le vent révolutionnaire qui souffle sur le pays. A certains égards, il a même été précurseur.

Aujourd'hui, les rues de Ris sont goudronnées

Aujourd'hui, les rues de Ris sont goudronnées

Un village rapidement engagé dans la révolution

L’affaire avait commencé par une action engagée le 15 aout « mille sept cent huitante six » et initiée par la Fabrique des Eglise des communes de Ris et de Cazaux qui accusait le curé, Moreilhon, d’avoir outrepassé ses droits relatifs à sa subsistance et à celle de son âne. C’était un vieux curé qui avait besoin de son âne pour se rendre par tous temps de Cazaux Debat à Ris, par un chemin étroit, raide et accidenté. Il est décédé en 1787, et le procès a été soutenu par son successeur, Casteix, formé à l’école des Jésuite et de ce fait, prêtre réfractaire. En 1792, l’église de Ris brulait dans l’incendie mentionné par l’institutrice Pelieu dans sa monographie. La chapelle Notre Dame de Neiges, pourtant distante du village de plusieurs centaines de mètres et séparée de ce dernier par de vastes étendues de prairie bien entretenues était aussi la proie des flammes. Elle fut entièrement détruite et on retrouva plusieurs décennies plus tard une statue de la vierge jetée dans les fourrés environnant. A Cazaux-Debat, le pillage du presbytère et le saccage de l’église furent concomitants à ces évènements, causes ou conséquences du départ précipité du prêtre.

L'église de Cazaux Debat, sacagée à la Révolution

L'église de Cazaux Debat, sacagée à la Révolution

La chappelle notre Dame des Neiges, au nord de Ris

La chappelle notre Dame des Neiges, au nord de Ris

 L’an mil sept cent quatre vingt douze,  l’an 4 de la liberté, le 20 septembre »  la commune de Ris délibéraient pour organiser le procès de la fabrique contre Moreilhon, curée de Ris et Cazaux. Le « ci devant Parlement de Toulouse » avait donné raison aux plaignants, restait à faire exécuter l’arrêt. Le frère et héritier de feu le Procureur devant le Parlement de Toulouse, le Sieur Lapeire, demandait le remboursement de l’avance des frais nécessaires au procès, somme s’élevant à 300 livres, et pouvant être « plus considérable encore ». Pour se faire, la commune demandait au district de la Neste le droit de réaliser une coupe de 150 pieds d’arbres dans la forêt communale.

Le trente pluviose an II, la commune débutait une procédure pour faire reconnaitre sa créance à l’encontre du « ci-devant curé » Casteix, qui ayant disparu, était considéré comme émigrés. Dans ce cas, un décret de la Convention permettait la saisie des biens du contrevenant. La commune de Ris comptait ainsi mettre la main sur une maison appartenant à son ancien curé, en dédommagement de ses frais de procédure dans l’affaire l’opposant au prédécesseur de Casteix, Moreilhon. Nous n’avons pas d’élément permettant de savoir si la démarche a aboutie.

Dans l’ancien diocèse du Comminges, environ la moitié des prêtres prêtèrent serment à la Constitution. L’autre moitié, ceux formés par les Jésuites, s’y refusèrent, comme Casteix. C’est ainsi que ces villages plongèrent dans la tourmente révolutionnaire.

Un prêtre réfractaire

Un prêtre réfractaire

Le village s’adapta au nouveau cadre légal plus ou moins rapidement. Dès le 9 décembre 1792, l’an 1 de la République il procédait à l’élection «  du citoyen Jean Baptise Bordes comme maire ». Le même exerçait précédemment les fonctions de consul. Le 9 janvier 1793, « an second de la République » : il nommait le citoyen Dominique Cau officier public pour recevoir les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens. Le 17 février 1793, il procédait à la nomination de 4 gardes champêtres, conformément à la loi.

Le 2 juin 1793 il procédait à la mise en place de la garde nationale où « tous les citoyens de 16 à 60 ans doivent « entrer » en état de porter les armes. Le conseil élit un caporal, chef de la Garde Nationale, composée donc d’une quinzaine d’hommes à Ris : ce fut au citoyen Philippe Vidalon qu’échut la charge, le même qui allait jusqu’à Toulouse représenter la commune dans le procès contre le curé.

La commune eut un peu plus de mal à adopter le calendrier républicain : elle fit unilatéralement commencer l’an II de la République le 1er janvier 1793, en continuant à suivre le calendrier grégorien pour les mois et les jours, avant d’adopté l’ensemble et de se recaler au cours de l’année. Les conseillers municipaux, qui signaient « notable » pour afficher leur importance dans la commune, utilisèrent rapidement la terminologie officielle, « citoyen », « ci-devant », et compris le fonctionnement des nouvelles institutions. A l’exception du dénommé Cecille, les autres conseillers signaient de leur nom les délibérations et semblaient avoir délibéré en français, au moins pour rédiger les délibérations, rédigées en terme précis. La commune était informée des évènements et recevait du District de la Neste affiches et brochures. La communication passait aussi par des images largement diffusées relatant les évènements.

La Révolution à Cazaux-Debat, 3ème partie : Ris fait la Révolution

La France est en guerre, attaquée sur toutes ses frontières et sur mer. Elle connait une crise interne, dite « fédéraliste », où des villes et des régions se sont soulevées contre le pouvoir central.

La Révolution à Cazaux-Debat, 3ème partie : Ris fait la Révolution

La situation économique est mauvaise, depuis plusieurs années, les récoltes rentrent mal. Le Conseil « général » de la commune se réunit le 17 juin 1793 avec l’ordre du jour, l’application du décret de la convention du 4 mars 1793 : chaque cultivateur possesseur de grains et farines doit recevoir la visite à son domicile de la commission désignée par la municipalité pour déterminer la quantité nécessaire au cultivateur pour ses besoins et ceux de la saison prochaine et faire l’état de l’excédent. Compte tenu de la taille réduite de la commune, les contrôleurs et les contrôlés sont à peu près les mêmes, mais le système qui se met en place est beaucoup plus inquisitorial que celui connu dans la vallée sous l’ancien régime. Désormais, Philippe Vidaillon est procureur de la commune. Le 8 floréal an 2, le Conseil nomme  les 4 membres du comité de surveillance : François Borde dit Brunet,  Jean Blaise, Pouy Vidallon, Jeannier Borde et Jean Carrère. La loi du 21 mars 1793 institue dans chaque commune un comité de surveillance. Les comités des communes sont reliés à un comité de district. La loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) leur A confié, en concurrence avec les autorités municipales, l'application des lois. Les tâches des comités sont multiples. Ils agissent, en effet, dans tous les domaines de la politique de Salut public. Ils sont en rapport avec plusieurs sources d'autorités : le district, le représentant en mission, dont un représentant assiste parfois aux réunions du Conseil « général » de la commune. Les comités s'adressent aux autorités supérieures pour qu'elles les tiennent au courant des textes issus de la Convention, Assemblée législative et « centre unique de l'impulsion du gouvernement ». Pour accomplir leur tâche de surveillants de la loi, ils demandent donc à recevoir lois, rapports de la Convention, décrets et arrêtés, tous les papiers publics en général, puis ils essaient de les comprendre et de les diffuser parmi leurs concitoyens. Les conduites adoptées pendant la crise fédéraliste deviennent alors un test des convictions politiques des citoyens. À son instigation, les administrations des districts envoient des questionnaires à tous les comités. Les questions portent sur :

  • le mode de création du comité ;

  • les personnes de la commune tombant sous le coup de la loi des suspects ;

  • le nom des membres du comité ;

  • l'état d'esprit de la société populaire ;

  • les affiliations de cette société, en particulier son éventuelle affiliation aux Jacobins de Paris ;

  • l'existence de superstition dans la commune ;

  • l'attitude vis-à-vis des assignats ;

  • l'existence de correspondances suspectes ;

  • les cas d'accaparement ;

  • la situation des cultures ;

  • l'attitude au moment du soulèvement sectionnaire ;

  • les principes de la commune et son attitude vis-à-vis de la Convention.

Les comités sont au courant des situations locales et leurs comptes rendus sont donc essentiels pour l'information des instances supérieures comme le montrent les agents nationaux lorsqu'ils réclament l'envoi régulier des comptes rendus décadaires.

Le Conseil « général » de Ris ne cesse de se réunir :

  • 14 juillet 1793 : levée des impôts de 1792 : chacun doit payer sa part ;

  • 19 juillet 1793 : le directoire du district de la Neste s’est réuni et a estimé que la commune n’avait payé que 100 livres tous impôts confondus pour 1792 et que pour 1793 « le seul rôle de la contribution foncière se porterait à 307 livres 6 sous et 5 deniers. » « Considérant que Cazaux qui est tenant à Ris a été diminué de moitié, que les communes de Gèdre en Bareilles et Bordères dont les revenus sont vingt fois plus que Ris ne sont taxées que 4 fois plus. La commune diligente le citoyen procureur Philippe Vidalon pour demander une modération, estimée au ¾ de la somme demandée »

  • 20 juillet 1793, 8 heures du matin : conflit avec Bareilles au sujet de la taxe foncière, le maire de Bareilles demandant le paiement de la taxe foncière à des habitants de Ris, les notables de Ris riposte auprés du District.

Le 6 novembre 1793, le Conseil dresse le bilan des visites domiciliaires effectuées par les conseillers municipaux pour les grains et les farines : aucun excédent n’a été trouvé, au contraire : les quantités ramassées se trouvent insuffisantes pour les familles, « qui se nourrissent en milhoc. »

Le pouvoir central, via le représentant en mission et le district, demandent pourtant au Conseil de procéder à des réquisitions. Le 30 nivose an 2, réquisition demandée par le district de 6 quintaux 53 livres de céréales. La commune ne peut pas, les habitants ont fait des demandes auprès de l’administration et des représentants en mission pour être approvisionnés.

La situation ne s’améliore pas. Le 5 pluviose an 2, le Conseil fait part au District des difficultés administratives que rencontre la commune pour s’approvisionner. Il met en cause le système des passeports intérieur que le Comité de Salut Public a mis en place et qui empêchent les commerçants de se déplacer sur de longues distances.

La République met aussi en œuvre des mesures destinées à soutenir les populations en difficultés. Elle soutient les salaires. Le « Douzième nivose de l’an deuxième de la république française une et indivisible » (2 janvier 1794)  le Conseil se réunit pour définir les conditions de la taxation des gens à gage. Il s’agit des « ouvriers, estivandiers, domestiques laboureurs, servante ou bergers, tailleurs, massons » auxquels les employeurs doivent verser des gages, ou « taxes ».

La délibération fixe les gages à payer par jour ou à l’année selon les métiers :

  • Les maçons et charpentiers, les estivandiers avec la dépense : 12 sous par jour, sans la dépense 30 sous

  • Les femmes pour service avec la dépense 3 sous par jours, sans la dépense 12 sous

  • Les tailleurs 8 sous par jour à la dépense

  • Les laboureurs 60 livres par an, les bergers 35 livres, les servantes 30 livres.

La République développe des fonds pour venir en aide aux nécessiteux. Le 17 germinal an 2, le district a obtenu une somme de 16000 livres à distribuer aux citoyens les plus nécessiteux des communes. A Ris : Bertrand Nougué, Alexandre Ceseille, Jean Carrère, Dominique Cau, Bertrand Moulé.

Elle met aussi en place une réforme pour développer l’instruction publique. Le 24 prairial an 2, conformément à la loi, le conseil procède à la désignation d’un instituteur : le citoyen Bertrand Nougué est nommé pour l’instruction des enfants ; c’est le secrétaire du conseil.

Sans culottes en armes

Sans culottes en armes

Un village au temps de la levée en masse

En 1793, il n’y a quasiment plus d’inscriptions volontaires pour aller combattre les armées coalisées contre la République. Beaucoup de soldats qui se sont battus à Valmy et à Jemmapes sont retournés soulagés chez eux à la fin des campagnes, avec le sentiment non dissimulé du devoir accompli et de la nécessité de retourner désormais à leur vie de paysan ou d’artisan. Les hommes, en effet, se sont portés volontaires lors du premier appel, en 1791, mais lors du second, l’année suivante, leur nombre devient nettement insuffisant pour satisfaire les besoins de l’armée. Une certaine forme d’obligation est alors rendue nécessaire et la Révolution, petit à petit, s’oriente vers ce qui conduira à la conscription généralisée de 1799.

En mars 1793, les communes sont requises pour fournir des hommes, et du matériel. A Ris, on applique la loi.

« Ce jour du 22 mars 1793, l’an second de la République française, les citoyens réunis dans la maison commune où se tiennent les assemblées laquelle a été convoquée selon les formes d’usage le citoyen maire a dit je vous propose citoyens si vous seriez de l’intention de donner quelque chose pour l’équipement des citoyens qui doivent marcher à la défense de la patrie

Les citoyens assemblés se sont consultés et ont dit qu’étant situés sur la croupe d’une haute montagne exposés chaque année à perdre leur récolte par le grand poids de la neige qui tombe chaque année et en fondant la neige emporte la plus grande partie du fonds de l’autre côté et que malgrés leur bonne volonté qu’ils auront leur triste situation ne leur permet de donner que deux paires de bas qui serviront pour les soldats que la municipalité doit fournir »

En février 1793, la France n’avait que 200 000 hommes sous les drapeaux. Le décret relatif à la levée en masse

Le 28 mars 1793, le Conseil de Ris délibérait en présence des « garçons depuis 18 ans jusqu’à quarante ans accomplis célibataires ou veufs sans enfants, en présence du citoyen Bareilhe, commissaire « Recrutement de deux hommes en application du décret du 24 février 1793 pour la levée de 300 000 hommes. Choix du mode de désignation : vote ou tirage au sort. Le conseil décide à la majorité pour le vote et désigne Pierre Mény natif de Bordères âgé de 24 ans et Bertrand Grillet, natif de Bareille âgé de 20 ans parmi six garçons dont quatre présents. « ils ont été proclamés soldats nationaux. Signé Porte Notable, Gardes dit Brunet notable, Carrère notable, Cau notable… »

Le discours de Barère appelant à la levée en masse de 300 000 hommes est prononcé le 23 aout 1793. Il montre que le décret du 7 mars n’eut pas le rendement escompté. Une fois désignés, Pierre Méniat et Bertrand Grillat devaient se rendre à Bordères, puis de là à Tarbes et à Pau où étaient rassemblés les « volontaires » de l’armée des Pyrénées. La route était longue, les conscrits mal encadrés les perspectives d’avenir sombres car la vie de soldat avait mauvaise réputation, et les tentations pour s’échapper, nombreuses.

La commune est également pressée pour fournir le matériel nécessaire aux armées. Le 12 nivose an 2 la commune dut effectuer un emprunt pour financer l’équipement de deux lances de cavaliers. Le 4 pluviose an 2, elle était requise pour fournir 4 couvertures aux armées ; après « visite domicilère », le conseil municipal n’a pas trouvé de couverture du poids, de la longueur et de la longeur requise, il estime qu’il y a eu erreur de l’administration. Les exigences répétées et barroque de l’administration centrale lassent manifestement les décideurs locaux. Le 4 prairial an 2 ils sont à nouveau sollicités pour une nouvelle réquisition. Après visite, il n’a été trouvé « ni sabres, ni brides, ni avoine » seulement trois celles hors d’état de servir

Soldat de l'an II

Soldat de l'an II

ierre Mény et Bertrand Grillet, soldats de l’an II

Voilà Pierre Méniat et Bertrand Grillat désignés volontaires. Avec d’autres, choisis comme eux par les notables de la vallée qui constituaient les conseils municipaux, ils furent enrôlés dans les armées de la république qui devaient se battre sur toutes les frontières. Le roi d’Espagne avait déclaré la guerre à la France à la suite de l’exécution de Louis XVI, reconnu coupable de « conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État » pour cela condamné à mort et exécuté le 21 janvier 1793.

La République était menacée d’invasion si elle ne mettait pas en place très vite un système de défense efficace. Son armée avait perdu beaucoup de cadres, des nobles qui avaient émigré et qui souvent se battaient avec les armées d’invasion. Une première levée de « volontaires » avait eu lieu en 1792. Elle avait permis de stopper les prussiens à Valmy. Depuis, les opérations militaires étaient difficiles. Beaucoup de soldats désertaient rapidement. La condition militaire était pénible. La nourriture manquait, comme l’équipement de base : les chaussures, les armes. 150 ans après leur suppression, des régiments de piquiers furent reconstitués.

Le 23 mars 1793, l’Espagne avait déclaré la guerre à la République Française. La-bas, les religieux parcourraient les campagnes de Castille, d’Aragon et surtout du Pays basque. Le général des Franciscains promettait 10 000 de ses religieux, pour les incorporer à l’armée du roi Bourbon espagnol. L’évêque de Saragosse offrait 50 000 prêtres et moines. Même les 300 contrebandiers d’obéda quittèrent leur repère de la Sierra Morena pour aller défendre la patrie.

Le front s’allongeait sur les 429 kilomètre de frontière, avec deux points faibles : la côte méditerranéenne et la côte atlantiques. Les défilés des Pyrénées centrales devaient être surveillés mais il y avait peu de risque qu’un mouvement militaire d’envergure puisse s’y développer.

Le front militaire des Pyrénées occidentales

Le front militaire des Pyrénées occidentales

os deux amis furent envoyés sur le front ouest, dans l’armée des Pyrénées occidentales alors commandée par le général Servan. C’était alors un haut personnage qui avait été ministre des armées. A ce titre, il avait pris des dispositions pour interdire les châtiments corporels ou humiliants et pour améliore l’ordinaire des soldats.

Considérons, en l’absence d’archives et pour la suite de l’histoire, que Pierre Méniat et Bertrand Grillat aient été incorporés au premier régiment de chasseurs de Montagne, premier bataillon sous les ordres du lieutenant-colonel Pinsun. A l’ouest des Pyrénées, 8000 français sont rassemblés pour faire face à 15 000 espagnols.

18 juin 1793 : après avoir pris le contrôle des cols et avoir poursuivi le français jusqu’à Ustariz, les espagnols du général Caro sont battu à Hendaye. Les territoires sont repris par les troupes du général Servan.

Juillet : Servant, proche des Girondins, est envoyé à Paris. Il est finalement remplacé par le général Muller, avec pour adjoint le général Laroche. C’est CE qui transforme les 4000 recrues rassemblées à Pau en soldats. Ces recrues avaient été gagnées d’un zèle patriotique et révolutionnaire, qui les rendait tout particulièrement indisciplinées. Le général sut leur donner le gout de la discipline. Il organise la garde des cols pyrénéens et consolide la défense de Bayonne.

Les soldats passaient devant le tribunal militaire qui sanctionnait les contrevenants par des sanctions destinées d’abord en renforcer le moral des troupes. Ainsi un soldat pris en train de tirer des coups de feu en l’air du passer huit jours durant devant la garde montante et descendante, avec un panneau dans le dos et devant, sur lesquels il était écrit : «  celui qui dilapide ce qui sert à défendre sa patrie ressemble au conspirateur qui veut la livrer ».

Le général Laroche prit des mesures pour enrayer les désertions qui commençaient à miner des unités entières. Il fit améliorer l’armement des recrues, l’habillement, la nourriture et les conditions d’hébergement.

28 août 1793 : le comte de Roussignac, un français commandant de l’armée espagole depuis plus de 10 ans, est fait prisonnier. Il est envoyé à Paris, considéré comme noble émigré combattant conte sa patrie. Le général Caro écrivit à son homologue français, menaçant de lier le sort du général La Génetière et de 4000 prisonniers au sort réservé au comte de Roussignac. Réponse de Garraud, représentant de la Convention après de l’armée des Pyrénées Occidentales : si Roussignac est coupable, il sera puni, conformément à la loi. Si le général Caro met ses menaces à exécution, il en répondra ainsi que le peuple espagnol. « Un peuple qui combat l’Europe entière est au-dessus des jactances espagnoles et des bravades d’un général ». Il semble toutefois que le général de Roussignac ait échappé à la guillotine.

Pendant des mois, les armées de la Révolution repoussent les attaques espagnoles, sans empêcher quelques incursions avancées jusqu’à Saint Jean de Luz ou Bidart, ou de quelques kilomètres à l’intérieur du Pays Basque. Ainsi, les recrues gagnent en expérience. L’armement s’améliore, les fusils remplacent les piques, des chefs, comme le chef de bataillon Harsipse (futur Maréchal d’Empire), se révèlent. Le temps de l’offensive a sonné.

Joseph Marie Servan de Gerbey (1741-1808)

Joseph Marie Servan de Gerbey (1741-1808)

Pour passer à l’attaque, il fallait une carte. Un ingénieur géographe fut donc attaché à l’armée de Muller. Sur la foi de son travail, un plan d’attaque fut élaboré. L’attaque : passer par la vallée de Baztan, la haute vallée du fleuve Bidassoa, pour prendre par le sud les villes d’Irun et de Fontarabie.

Le 3 juin 1794, trois colonnes partirent à l’attaque des cols de Berdaritz, Ispeguy et Maya. La première était placée sous les ordres du général La Victoire. Elle comptait 1500 hommes. La seconde était commandée par le général Lefranc. La troisième par le général Castelvert. Une armée de 4000 hommes s’élançait à la conquête du Pays basque espagnol. Lors de l’attaque des défenses du col de Berdaritz, le général La Victoire fut blessé mortellement et remplacé par le colonel Harispe. Fort du succès de l’entreprise, ce dernier fut nommé le soir même général de brigade par les représentants de la convention. Le23 juin, les Espagnols contre-attaquaient  à Hendaye et Urrugne : Ils perdaient 500 hommes et furent repoussés. Le vieux général Caro était remplacé par le comte de Colomera.

Le 25 juillet 1794, 6 thermidor, 4 colonnes françaises se lancèrent à l’assaut de la vallée de Baztan, par quatre points distinct. Elles ont reçu un mot d’ordre « Guerre aux châteaux ! Paix aux chaumières ! » Et des consignes : « soldat de la liberté, terrible envers tes ennemis qui te résistent, ne tourne jamais tes armes contre l’homme sans défense, contre le citoyen paisible. »

Les sanctions sont claires : tout militaire qui quitte sans autorisation son régiment encourt 3 ans de fers. Tout soldat qui sans l’ordre écrit de son général se livrera au pillage, à l’incendie ou à la dévastation, ou qui se livrera à des outrages sur les habitants en particulier les femmes, les enfants ou les vieillards seront fusillés « à la tête des colonnes ». Le règlement précise toutefois que le tiers des prises revient au soldat qui s’en sera emparé, les deux autres tiers « à la République et à ses camarades». Si un soldat y contrevient, il encourt une amende et 3 ans de fer. Toutefois, détrousser les ennemis morts ou prisonniers est dans l’ordre des choses. Le soldat, dans ce cas, n’a pas à partager.

Si le pillage était interdit aux soldats sous peine de mort, la République avait chargé une agence de « réquisitionner » les biens nécessaires aux armées et à la République. L’agence prélevait sa part au passage. Un tiers, sans doute…

Le 9 thermidor, la Bidassoa était franchie. Le 14, 1er août 1794, la ville de Fontarabie, encerclée, se rendait aux troupes républicaines qui firent 2000 prisonniers. Le lendemain, San Sébastian, dont les notables avaient été gagné aux idées nouvelles, acceptèrent les conditions de capitulation que leur avaient porté le général Latour d’Auvergne. Les armées républicaines étaient accueillies en libératrice. Malheureusement, quelques jours plus tard, la Junte de Guipúzcoa, qui avait établi de bonnes relations avec les représentant de la convention Garrau et Cavaignac, demandèrent à ce que leur provinces soit désormais considéré comme un Etat libre et neutre entre la France et l’Espagne. Les représentants de la République Une et Indivisible réagirent en faisant déporter en France les députés de la junte.

Le représentant en Mission Pinet, un fils de la Terreur juste abolie à Paris, fit ériger la guillotine sur la grande place de San Sébastian. Il fit administrer la province occupée par des hommes à lui. Désormais, les basques de Guipúzcoa appelaient au secours les basques de Biscaye, les Navarrais et les castillans. Les églises furent fermées, les prêtres arrêtés. Des religieuses furent livrée à des hussards puis conduites à Bayonne pour y êtes incarcérées et prostituées.

Pinet se signala à nouveau : il envoya une colonne de soldats enlever les reliques de Saint Ignace de Loyola, et fit burler au passage les églises de deux villages. Sur le chemin du retour, ses troupes furent attaquées par les paysans révoltés. La colonne hâta sa retraite, les reliques furent reprisent et amenées jusqu’à Madrid. Pinet fut remplacé par Garrau. Le général Muller partit à la retraite laissant le commandement au général Moncey.

Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy, « Bon-Adrien Jeannot de Moncey, capitaine au 7e de ligne en 1792" 

Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy, « Bon-Adrien Jeannot de Moncey, capitaine au 7e de ligne en 1792" 

n 1795, une épidémie se déclara parmi les soldats blessés ou malades. La maladie fut appelée « la fièvre des hôpitaux ». Elle tua, outre les patients, la moitié des médecins et officiers de santé. Les malades furent envoyé jusqu’à Toulouse ce qui contribua à étendre un peu partout cette terrible maladie.

Malgré la nourriture mauvaise et de faible quantité-6 onces de riz par homme, pas de soulier ni de vêtement- la garnison de San Sébastian ne toucha pas aux réserves des populations civiles. Apprenant la mort de Féraud à Paris le 20 mai 1795, l’armée des Pyrénées était prête à marcher sur la capitale pour en chasser « ceux qui veulent […] dresser les échafauds, se baigner dans le sang ».

C’est le 22 juillet 1795 que fut signé la Paix de Bâle : la France s’engageait à regagner la frontière. Elle doit remettre au roi d’Espagne, si l’Autriche ne la réclamait pas, la fille de Louis XVI. Elle reçut en échange la partie espagnole de l’ile de Saint Domingue, et du bétail : des moutons Merinos et des chevaux. C’est ainsi qu’après diverses tentatives, cette race de mouton s’implantait sur le versant nord des Pyrénées.

Moutons de race Merinos

Moutons de race Merinos

Que sont devenus Pierre Mény et Bertrand Grillet ? Peut-être ont-ils poursuivi leur carrière militaire. A l’époque, l’engagement était signé « jusqu’à la paix », la paix définitive, laquelle n’est intervenue qu’en 1815. Le soldat ne rentrait chez lui que s’il atteignait l’âge de 40 ans (soit en 1813 pour Grillet), ou s’il était blessé et mutilé. Peut-être ont –ils été tués. Les combats menés pendant la révolution ont été très meurtriers, surtout pour les jeunes recrues inexpérimentées, mal armées, mal équipées et mal nourries. Les blessures, les soins et l’hôpital finissaient souvent par tuer. Peut-être ont-ils été insoumis, s’échappant avant même d’avoir atteint Pau en mars 1793, ou ont-ils désertés. Car dans le Sud-ouest, beaucoup de jeunes gens ont refusé d’intégrer les armées de la République et celles de l’Empire.

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commentaires
A
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