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La Révolution à Cazaux Debat Première partie La fin des privilèges

par amisdecazaux 3 Septembre 2017, 17:20 Histoires du village

A la fin du XVIIIeme siècle, la vallée du Louron était en plein bouleversement. Le baron d’Etigny avait fait réaliser de grands travaux, des routes droites bordées de platanes, installé des services de transports de personnes et de marchandises, fait venir de nouvelles races d’ovin. La corvée était instaurée pour les constructions de l’Etat auprès des communautés villageoises libres jusqu’alors de telles contraintes. La situation sociale et économique était difficile. C’est alors que les évènements précurseurs à la révolution française se mirent en œuvre.
Construction d'une route au XVIIIeme siècle

Construction d'une route au XVIIIeme siècle

Depuis le début du siècle, les Consuls de Cazaux, issus généralement de la famille Fontan, avaient mis tout leur prestige en jeu pour régler le conflit opposant depuis toujours Cazaux-Debat à Lançon. En 1623 un premier arbitrage avait été rendu pour essayer de mettre fin à ce conflit multi séculier.

 

Le 22 juin 1623, une transaction avait été signée devant notaire. Les deux parties s’engageaient à renoncer aux procès civils et criminels et leurs circonstances et dépendances, et  à respecter les limites entre les deux communes, fixées par des bornes. L’accord prévoyait aussi que les propriétaires, manants et habitants de Cazaux pourraient amener leur bétail paitre au-dessus des limites, qu’ils pourraient y couper du bois et faire du charbon. Il prévoyait les mêmes dispositions pour les propriétaires, manants et habitants de Lançon. L’application de cet accord n’alla pas de soi : un contentieux s’ensuivi devant les diverses juridictions et s’acheva devant les juges du Parlement de Toulouse en 1770.

En face du village de Cazaux, le versant à l'ombre et sa sombre foret théatre des rixes passées entre les villages de Cazaux et de Lançon

En face du village de Cazaux, le versant à l'ombre et sa sombre foret théatre des rixes passées entre les villages de Cazaux et de Lançon

Le procès était perdu, cette fois définitivement. Il fallait payer 290 livres à la communauté de Lançon. C’était une somme importante.

 

Pendant des mois, les Fontan négocièrent avec les familles importantes du village. Certaines étaient leurs obligés, pour les terres en location, mais toutes étaient fières. Et d’autres n’avaient pas de raison d’accepter, n’ayant rien à obtenir ni à demander. Finalement, quand ils eurent l’accord de quatre familles, les Fontan réunirent l’assemblée communautaire.

 

"Délibération du 23 juin 1770 relative aux frais de justice :

 

L’an mille sept cent soixante et dix et le vingt et troisième jour du mois de juin, la semblée generalle de la communauté de cazeaux ayant été convoquée par le sieur Dominique Fontan consul en exersisse au soun de la cloche et dans le lieu ou les assemblées ont accoutume de se tenir, ou la communauté s’étant rendue ledit Sieur Fontan consul auret representé que devant a la communauté de Lançon la somme de deus cents quatre vains dix livres pour les frais du proces qui etait entre les deus communautés et que celle de Lançon gagna come il conste par larret rendu a la chambre des requétes du palais à toulouse au departement des eaux et forsets en date du dix septiéme septembre mil sept sens soïsente et neuf il convient que soit lever cette somes pour paÿer la D communauté de Lançon pour netre plus exposés a de nouvaus frais par quoi la communauté a répondu que cette demarche etait a sa plase et que pour parvenir a lever cet argent le plus court etait de payer par egale portion et non seulment pour cette affaire mais encore pour toutes celles qui a l’avenir pourroient arriver a la communauté a quoi les bas alivrans ont consenti sous la condition expresse cependant qu’ils auroient autant de droit fait pour le bois fait pour le pacage fait pour les autres facultés que les hauts alivrans. La chose mise en déliberation a été adopté de toute la communauté pour faire tant advenir quau jourduy une regle ainsi a eté delibere par nous tous qui avons signé les sept.

Fait à Cazaux le jour et an que dessus

 

Bertrand Fontan dit Pradé pour n’avoir peu, D Fontan, consul, A Fontan, Davezan, F Carrere, Joanet, Begué"

 

Les Fontan, représentés à l’assemblée villageoise par trois membres de la famille, durent accepter de partager le pouvoir et certains droits qu’ils étaient les seuls jusque-là à pouvoir exercer. Ainsi, pour l’accès aux communaux, ceux qui étaient les plus riches pouvaient prélever plus que les autres. L’accord entraina un rééquilibrage en faveur des familles qui acceptaient de payer le procès.

La Maison Fontan, devenue Bégué au cours du XIXeme siècle, dominait le village

La Maison Fontan, devenue Bégué au cours du XIXeme siècle, dominait le village

Alors que Louis XVI n’était pas encore au pouvoir, la révolution se mettait en marche à Cazaux – Debat.

 

Les conditions de vie étaient difficiles. En 1765, 1770 et 1772, la vallée fut frappée par de mauvaises conditions atmosphériques et une pénurie de grains. En 1774, une épizootie emporta la moitié du cheptel bovin. Monseigneur d’Apchon, l’archevêque d’Auch primat de Novempopulanie et des deux Navarres, fit don de 7000 bêtes à son arrivée en 1776.

Monseigneur d’Apchon

Monseigneur d’Apchon

La route reliant les deux villes thermales était déjà en partie construite. Un tronçon passait déjà par le hameau de la Prade au pied de Cazaux Debat. Les habitants avaient étaient mis à contribution dans le cadre de la corvée royale pour réaliser ce tronçon. Ils le furent à nouveau pour réaliser la route passant par le col d’Aspin. Huit communautés de la vallée d’Aure et Cazaux-Debat furent désignées pour réaliser les travaux. Au total, huit jours de travail payés 15 sols la journée furent imposés à 900 foyers. L’administration exigea en plus des coupes forestières pour payer les travaux. Le mécontentement des villages concernés tant par les réquisitions que par les coupes fut connu jusqu’à Paris. Les travaux furent arrêtés. Ils ne reprirent qu’au XIXème siècle.  

Avec la centralisation, l’esprit communautaire s’affaiblissait dans les vallées. Des bourgeois enrichis devenus nobles revendiquaient des droits féodaux qui n’avaient encore jamais eu cours. Dans les Quatre Vallées, les nouveaux nobles voulaient élire leur représentant alors que jusque-là, ni la noblesse, ni le clergé n’y avaient leurs propres représentants. Les instances communautaires fonctionnaient avec difficulté. La suspicion s’insinuait sur les comptes des syndics. Des assemblées tournaient mal. On se battait.

Désormais, le seigneur du village de Cazaux – Debat était le roi de France. Le village était rattaché au pays d’élection des Quatre Vallées, alors que le pays de Rivière Verdun auquel était rattaché le reste du Louron et le village de Gouaux était un pays d’Etat. Les uns élisaient une assemblée pour prélever les impôts quand les autres dépendaient directement de l’intendance. 

Les communautés perdaient leurs privilèges fiscaux, et militaires. Les jeunes des villages n’étaient plus seulement tenus à la garde de la frontière quelques jours par an, en cas de guerre. Ils étaient soumis au recrutement des milices.  

Aussi, quand le roi Louis XVI décida de réunir les Etats généraux à Versailles au printemps 1789, le mécontentement était tel que la plupart des communautés villageoises en Aure comme en Louron ne rédigèrent pas de cahier de doléance. La défiance à l’égard du monarque était absolue.

Versaille, mai 1789 : ouverture des Etats généraux

Versaille, mai 1789 : ouverture des Etats généraux

1789 : les quatre vallées disparaissent – le comte de Segure et d’Abadie

 

Le roi convoqua les Etats généraux à Versailles par lettre en date du 24 janvier 1789. Cette institution qui remontait au moyen âge ne s’était pas réunie depuis le début du XVIIème siècle. Mais la situation financière du royaume de France était des plus critiques. 

Dans tout le Royaume, les institutions en place – Parlements, assemblées des Pays d’Etat, etc. - bloquaient toute réforme au nom de la défense des privilèges. Pour pouvoir rétablir l’état des finances publiques et prélever des impôts plus efficaces, le roi fut contraint de réunir cette assemblée archaïque, qui siégeait en trois ordres : la noblesse, le clergé, et le tiers état composé de tous ceux qui n’étaient ni noble ni clercs.

 Le règlement promulgué par le roi prévoyait l’envoi à Versailles de quatre députés, deux du tiers Etat, un de la noblesse et un du clergé pour les quatre vallées, le Comminges, le Couserans à l’est du Comminges et le Nebouzan au nord. L’élection de ces quatre députés devait avoir lieu à Auch. Les communautés des quatre vallées s’insurgèrent. Pays d’élection, elles estimaient qu’elles devaient se réunir entre elles pour envoyer leurs propres députés à Versailles. 

Consulté, l’évêque du Comminges conseilla au syndic des quatre vallées d’envoyer des représentants à Auch, car l’abstention ne permettait pas de défendre ses prétentions. Il remarqua aussi que l’absence de participation des quatre vallées aux Etats généraux, même si elle était fondée en droit ce qui n’était pas certain, ne remettait pas en cause la tenue de l’assemblée à Versailles. Finalement, deux députés des quatre vallées se rendirent à Auch.  Ils refusèrent de signer le cahier des doléances « chargés de pourvoir à la conservation des privilèges de notre pays, nous nous opposons à l’égalité de l’impôt. » L’assemblée refusa d’insérer cette déclaration dans son cahier des doléances.  

Les députés des quatre vallées quittèrent alors la salle. Quand ils voulurent y revenir pour élire les députés à l’assemblée de Versailles, ils trouvèrent porte close. Un mémoire fut adressé directement au roi, qui leur donna raison par un règlement supplémentaire le 2 mai, 2 jours avant l’ouverture des Etats généraux à Versailles. Les quatre vallées eurent le droit de se réunir en assemblée générale pour rédiger le cahier des plaintes et doléances des habitants et pour élire un député du tiers état.

 L’assemblée se réunit  du 26 au 30 mai à Labarthe de Neste. Elle était présidée par Jean François Dutrey, juge en chef des quatre vallées. 

212 députés avaient répondu présents au nom de 137 villes ou communautés. 37 députés étaient absents. 30 nobles émirent une réclamation estimant nulle le droit de réunir l’assemblée, le tiers état étant seul représenté. Cette réclamation fut rejetée pour deux motifs. La lettre par laquelle le roi Louis XIV avait félicité le tiers état des quatre vallées pour sa résistance à la noblesse, du temps de la Fronde, ne parlait ni de la noblesse, ni du clergé. En outre, la noblesse avait participé aux élections des députés dans les assemblées des communautés ou des vallées.  

Ce point de procédure et quelques autres évacués, on passa à la rédaction du cahier de doléances. Après les articles de circonstance repris de Rousseau, des encyclopédistes et de l’Esprit des Lois (caractère inviolable et sacré du citoyen, liberté de la presse, suprématie de la nation en matière d’impôt, égalité pour tous, etc.), le point de vue local s’exprima : abolition des gabelles, amélioration du service judiciaire, élargissement de l’autonomie communale et des pouvoirs consulaires, restitution aux quatre vallées  des marbrières et de l’enclave de Labarthe, amélioration de l’exercice et du financement du culte. 

En fin de texte, deux articles venaient justifier à eux seuls la réunion de cette assemblée :

 

« Article 49 : les habitants des quatre vallées chargent expressément leur député aux Etats généraux de promouvoir un arrêt du Conseil qui enjoigne aux cinq pays d’Etat de rembourser aux communautés desdites vallées les dépenses que leurs députés ont faites inutilement à Auch, lors de leur convocation. »

 

« Article 51 : les aurois demandent le maintien de toutes les exemptions antérieurement acquises. »

 

Laborieusement élaboré, le texte fut difficilement adopté : 104 voix pour, 92 contres et 16 abstentions.

 

Il restait à désigner le député et son suppléent pour siéger aux Etats généraux. Le comte Louis – Hector de Segure fut élu à l’unanimité des 312 présents. Son suppléant, le capitaine Melchior d’Abbadie  recueillit pour sa part  132 voix contre 79.

le département des Hautes Pyrénées est issus de plusieurs anciennes entités

le département des Hautes Pyrénées est issus de plusieurs anciennes entités

Le choix de l’assemblée est curieux. Non pas que des représentants du tiers état choisissent deux nobles pour les représenter. Il est souvent arrivé que les représentants du tiers état à Versailles soient issus des rangs de la noblesse ou du clergé. Ce qui est curieux, c’est que le choix de l’assemblée ait porté sur des personnes momentanément indisponibles pour se rendre à Versailles. 

Des deux représentants choisis par les représentants des quatre vallées, l’un était en prison à Madrid, l’autre en poste dans sa garnison à la citadelle de Saint Jean Pied de Port, au pays basque. 

Hector de Segure aurait fait un représentant digne et pugnace pour les quatre vallées. Originaire d’Arreau, sa famille était connue pour les fonctions exercées dans la justice ou le clergé. Il avait choisi l’armée. Il s’était engagé comme mousquetaire, combattant en Bohème, en Italie, en Corse. En 1762, il était en Espagne où il devait lever 600 hommes afin de constituer un régiment pour combattre le Portugal.  La paix interrompit les préparatifs alors qu’il avait avancé les frais. 

Le duc de Choiseul, un descendant du frère de l’évêque de Comminges, le recruta alors pour la diplomatie française. La marine française avait pris des engagements avec la communauté de Gistain, en Aragon afin de lui acheter des forêts. Il s’agissait en fait, pour la marine et pour l’intendant d’Etigny, de réaliser une route transpyrénéenne passant par un tunnel situé au fond du vallon de la Pez, dans la vallée du Louron. Au moment où, à Madrid, le comte de Segure entamait les pourparlers avec le gouvernement espagnol, les travaux de percement du tunnel avaient déjà commencé. C’est à l’endroit où il devrait déboucher, côté espagnol, que se situait la forêt convoitée par la marine Française.  

Monsieur de Segure qualifia son entreprise de « succès ayant dépassé les espérances de Monsieur de Choiseul ». Dans les faits, le gouvernement espagnol refusa tout accord et le tunnel ne fut jamais percé. D’ailleurs, son percement était prévu trop haut en altitude, avec une pente trop forte pour permettre d’y faire passer les convois de cent mètres tirés par les quelques quarante paires de vaches nécessaires pour transporter les mats de la marine. De plus, la roche était friable et la voute du tunnel s’était effondrée. Une fontaine avait jailli et elle coule toujours dans le riant vallon de la Pez. 

Le comte poursuivit ses aventures en Pologne, puis dans les services secrets. A ce titre, il fut embastillé pendant sept mois, en 1773 et 1774. Il fallait un bouc émissaire pour protéger un puissant personnage et le comte fit l’affaire. Ensuite, il poursuivit sa carrière dans les villes d’eau, à Barèges, Bagnères, Spa, Aix la Chapelle. Il espionnait aux cours de parties de cartes où l’on misait gros. Sa fortune en subit les conséquences. Il fut obligé de vendre une métairie puis son château de Camou, à Arreau. 

En mars 1789, il partit donc à Madrid pour essayer de récupérer sa quittance dans l’affaire du régiment de 1762. Il se retrouva en prison, à l’Alhambra de Grenade. Accusé d’avoir rédigé des libelles contre le Royaume d’Espagne, il fut condamné à 10 ans de prison.

Il eut le temps d’échanger quelques lettres avec les députés aurois qui avaient voulu faire de lui leur représentant aux états généraux, devenus entretemps assemblée constituante. Jusqu’au bout, il rappela à ses compatriotes des quatre vallées que leur pays c’était volontairement uni à la France. Du fond de sa cellule, il continuait à lutter contre l’égalité du régime de constitution imposé au préjudice des titres et des droits de ses vallées.  

Du fond de sa prison, le comte était pessimiste sur l’état de son pays. Les bruits de la grande Peur qui se propagea dans tout le royaume après le 14 juillet était parvenu jusqu’à lui. Il s’inquiétait du « vote subversif et délirant »  de la nuit du 4 août, des « puérilités verbeuses, les contradictions, les infidélités de fait de nombreux pervers ». Tous ces bouleversements auxquels ils ne pouvaient s’opposer que par quelques libelles assurèrent le triomphe de son ulcère à l’estomac. Il mourut le 27 décembre 1790.

 

C’est ainsi que la Révolution le dévora.

La prison de l’Alhambra de Grenade où est décédé le comte de Segure

La prison de l’Alhambra de Grenade où est décédé le comte de Segure

L’autre représentant des quatre Vallée, Melchior d’Abbadie, était un militaire. Il faisait partie de ces officiers formés dans les écoles militaires du Royaume profondément restructurées sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI. C’est grâce à elles que les armées de la Révolutions allaient tenir tête à l’Europe. Engagé à vingt ans dans le corps du génie, il avait été intégré au corps expéditionnaire de Rochambeau pendant la Guerre d’indépendance des États-Unis d’Amérique, avec le grade de capitaine. 

Quand il arriva à Versailles pour représenter les quatre vallées, la Révolution battait son plein. Il ne fut admis en effet à siéger que le 30 août 1789. La bastille était prise, beaucoup de proches du roi, en particulier ses frères, avaient déjà émigré. L’assemblée des états généraux était devenu assemblée constituante et, par le serment du jeu de paume, avait juré de ne pas se séparer sans avoir donné une constitution à la France.  

La Grande Peur avait gagné les provinces. Persuadés qu’ils allaient être attaqués par des brigands, le seigneur, les Prussiens ou les Anglais, les villageois prenaient les armes et constituaient des milices. La vallée d’Aure ne fit pas exception, qui constitua une milice pour aller défendre Sarrancolin. Par la nuit du  4 août, L’assemblée constituante abolit le régime féodal, les privilèges des corps comme celui des provinces ou des Etats. C’en était fini des Quatre vallées. 

Le 26 août, l’assemblée posait les bases d’une nouvelle société. Avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’égalité des droits était reconnue à toutes les personnes. La souveraineté de la Nation s’exprimait dans la loi égale pour tous, « soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. »

Arrivé en retard à l’assemblée constituante, Melchior d’Abbadie ne resta pas sans rien faire. Il fit partie du comité militaire, y fut chargé de plusieurs rapports importants. A l’issue de son mandat de député de l’assemblée constituante, il  rentra dans le service actif. Il se distingua à l'armée du Nord en 1792, puis à celle de l'Ouest en 1793, lors de la prise de Chemillé et du château de Saumur. Nommé chef de bataillon le 16 décembre 1793, il fut chargé des fortifications de Nieuport.

En 1790, toutefois, il pesa peu sur le débat principal qui nourrit la constituante : la constitution des départements. C’est pourquoi malgré sa brillante carrière militaire, il n’a pas laissé dans les mémoires locales le souvenir d’un de Segure, d’un Barère ou d’un Féraud.

La nouvelle organisation de la France devait être entièrement repensée. Une nouvelle entité administrative, le département, allait remplacer toutes les circonscriptions issues de l’ancien régime : pays d’état ou d’élection, limite de seigneurie, d’intendance, de sénéchaussée, de circonscription fiscale, juridique, voire même des évêchés, dont le nombre devait être réduit. Le territoire de l’évêché servit souvent d’ailleurs de cadre à la nouvelle organisation, le siège épiscopal devenant chef-lieu du département, celui de l’archiprêtré, chef-lieu du canton.

La situation était particulièrement complexe dans le sud-ouest, où les limites des intendances et de Sénéchaussées n’avaient pas cessées d’évoluer au cours du XVIIIème siècle.

Les landais du pays de Lannes voulaient un département commun avec les basques de la côte autour de Bayonne et Dax, les béarnais envisageaient de se rapprocher de la Bigorre pour constituer un département qui aurait eu Pau comme chef-lieu. Les Auscitains voulaient constituer un département avec le Comminges et les quatre vallées. Enfin, les toulousains voulaient que leur département ait une frontière avec l’Espagne. Ils lorgnaient sur le Couserans et le pays de Foix.

Il restait tous ceux qui étaient voués à être rattachés à un territoire à priori plus conquérant, par l’histoire ou le nombre d’habitants. C’était sans compter sur les qualités des représentants  élus à l’assemblée constituante. A ce jeu, deux têtes émergèrent. Bertrand Barère, de Tarbes, et Vadier, de Foix. Ils prirent en main les ciseaux qui devaient découper leurs territoires et réussirent à créer deux petits départements à la limite des dimensions admises. 

Bertrand Barère était avocat au Parlement de Toulouse et fréquentait, avant la Révolution, les cercles parisiens. Il avait ainsi tissé de longue date un réseau de correspondants dans les milieux de cour, parmi les francs -maçons et les juristes. Il était aussi excellent pour synthétiser un rapport, le vulgariser et emporter l’adhésion.

 S’il était politiquement considéré comme un opportuniste, il était aussi porteur de convictions et d’un projet territorial pour son pays. Opportuniste, il défendit l’usage du français comme unificateur du pays et comme un élément d’égalité. Ainsi, les basques et les béarnais pouvaient être unis dans un même conseil général où tout le monde devrait s’exprimer en français. Il défendit aussi la nécessité du maintien de deux enclaves des Hautes Pyrénées dans le département des Basses Pyrénées, afin de prendre en considération l’opposition des bigourdans à l’encontre des Béarnais qui les avaient envahis à diverses reprises.

Pour réussir à créer le département, Barère obtint d’adjoindre à la Bigorre : les Quatre vallées, une partie du Comminges et d’enclaves du pays de Rivière Verdun parmi lesquelles le Louron. Le reste du Comminges fut adjoint au pays toulousain pour constituer la Haute Garonne. Représentant les Quatre vallées, Melchior d’Abbadie laissa faire. Les représentants du Comminges, divisés pour désigner le chef-lieu entre les partisans de Saint-Gaudens et ceux de Montréjeau, ne réussirent pas à s’entendre pour constituer un département.

Cazaux-Debat et Ris constituèrent deux communes qui furent intégrées dans un premier temps au canton d’Arreau, département des Hautes Pyrénées. Les autres communes de la vallée du Louron et des Bareilles constituèrent le canton de Bordères Louron, également dans le département des Hautes Pyrénées.

La tombe de Melchior d'Abbadie au cimetière du Père Lachaise à Paris

La tombe de Melchior d'Abbadie au cimetière du Père Lachaise à Paris

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