Fils de Dominique Rey et de Jeanne Couget, Louis Rey a hérité de la scierie des Couget et l’exploite dès sa majorité. En 1899, il est élu maire pour réaliser des grands projets : l’adduction d’eau et aussi, plus tard, l’électricité. Mais tout ne s’est pas réalisé comme prévu.
Louis Rey est né en 1872 à Cazaux Debat. Il avait un frère ainé, Bertrand et un frère cadet, Albert. Son enfance s’est déroulé à Cazaux – Debat, au milieu des petits paysans. Sa famille possédait quelques hectares de prairies, de vergers et de bois, une bergerie à Poumamude, une grange, la scierie et peut-être déjà une remise à la Prade, et deux granges au village, une pour les chevaux l’autre pour les vaches et les boeufs.
La grange du Bourilheou, à la Prade
L’enfance de Louis Rey a été marquée par deux drames, le décès accidentel de son frère Bertrand en 1885 (il a 13 ans), puis celui de sa mère en 1887 alors qu’il a 15 ans. Il part quelques années faire des études dans un collège du piémont. Peut être à Vic en Bigorre, où son père a enseigné, ou dans le Gers. Il revient à Cazaux Debat à l’issue de ses études. A-t-il accompli son service militaire ? Ce n’est pas certain. Sa vue est très mauvaise et sa santé fragile. Il reprend alors l’exploitation de la scierie. Cette entreprise permet l’exploitation de la forêt qui se trouve en face du village. C’est une forêt de hêtres.
Son frère cadet, Albert, a des opinions politiques affirmées, qui sont toujours gravées sur le portail familial. En ces années 1890, le Président de la République, Sadi-Carnot, a été assassiné par un anarchiste et la lutte contre le terrorisme anarchiste fait rage. Albert Rey quitte Cazaux – Debat pour faire carrière dans les colonies, en Afrique noire. Pour cela, il laisse sa part d’héritage à son frère ainé.
Sur le montant de droite du portail d'entrée de la maison Rey, on peut encore lire l'inscription : "Vive la République, à bas l'anarchie - Albert Le graffiti peut être daté de 1892 - 1893, époque des attentats anarchistes
C’est donc à Louis Rey qu’il appartient de faire fructifier l’héritage des Couget et aussi, de mettre en œuvre les projets paternels concernant la scierie et la commune.
Louis Rey, entrepreneur
Louis Rey est un jeune homme énergique . De son enfance difficile, il a acquis le sens des responsabilités et de la procédure auprès de son grand oncle, Jean Bertrand Couget. De son père, il a acquis la capacité à concevoir et à réaliser des projets. Des deux, il a appris à se faire respecter et à faire respecter les projets ou les causes qui sont les siennes. Cette capacité, il la met en œuvre très tôt. Il commence par développer son entreprise : la scierie. Pour avoir une scierie à la fin du XIXème siècle, il faut une installation au bord d’une rivière pour pouvoir utiliser la force motrice de l’eau pour les machines à scier, débarder, découper le bois. Il faut des attelages de boeufs pour aller chercher les troncs des arbres que les bucherons ont abattus pour les ramener à la scierie. La famille possède aussi des chevaux, utilisés pour transporter des personnes. Pour stocker le bois dans de bonnes conditions, Louis Rey fait construire une remise en face de sa scierie, à côté de chez les Fontan.
Au centre de la photo : la remise de Louis Rey est un batiment carré. A droite, la maison qui était alors celle des Fontan, à gauche, celle des Lafaille. Lascierie aujourd'hui détruite se trouvait à gauche de la petite maison en bas à gauche. En haut, la grange du Bourilheou
Son entreprise se développe et il devient le principal employeur du coin : il emploie des personnes de Cazaux – Debat, de Lançon, de Ris, d’Ilhan, de Bordères – Louron… Pour nourrir les chevaux, et aussi les bovins, Louis Rey a environ 7 hectares de prés et de prairies.
La prise du pouvoir par Louis Rey
En cette fin de XIXème siècle, les familles qui ont administré le village depuis des siècles sont en train de passer la main. Il n’est plus nécessaire de s’appeler Fontan pour être maire de Cazaux – Debat. Et le maire de l’époque, Jacques Carrère, est vieux. Il faisait déjà partie de l’équipe municipale dans les années 1840 ! A cette époque, nous l’avons vu (cf. Article sur Dominique Rey), les familles « qui comptaient » faisaient partie du Conseil municipal. Mais pas toutes, car le maire, c’est bien compréhensible, s’efforçait de verrouiller sa majorité et une famille « qui comptait » pouvait être également turbulente, voir opposante.
C’était le cas de la famille Rey. Elle avait deux raisons d’être opposante.
Tout d’abord, même si elle exploitait des terres, ce n’était pas à des fins agricoles mais d’abord industrielles. Il s’agissait de nourrir les animaux utiles pour l’exploitation du bois en forêt. Elle n’avait donc pas les mêmes intérêts économiques que les autres familles d’agriculteurs qui se partageaient le pouvoir dans le village. De plus, les employés de la scierie et les bucherons étaient issus des familles pauvres ou les moins aisées. Celles qui voulaient un meilleur partage des ressources de la forêt indispensables pour nourrir leur maigre cheptel. Ces employés avaient une double activité, d’employé ou d’ouvrier chez Rey, et de paysans. Aussi, leur employeur avait tout intérêt à défendre leurs revendications d’exploitants agricoles. Elles n’allaient pas à l’encontre de ses propres intérêts, cela lui permettait de souder ses équipes et enfin, c’était une façon, en quelque sorte, d’ « externaliser » comme on dirait aujourd’hui les revendications vers les préoccupations paysannes de ses salariés, celles dans lesquelles ils étaient nés.
Ensuite, la famille avait des convictions politiques forgées dans le nouveau statut des instituteurs. Ils étaient républicains, et républicains radicaux c’est-à-dire à ce moment là, à gauche. Il étaient partisans de la République une et indivisible, de l’égalité des chances, de la laïcité, de l’impôt progressif sur le revenu, du progrès et pour la défense de la petite propriété. Ils avaient également des convictions pour Cazaux – Debat et son développement. Pour les Rey, père et fils, le développement passait par l’exploitation industrielle des matières premières : le bois, le marbre du rocher de la Pène, et si possible l’eau thermale de la Prade.
Le développement du village passait aussi par l’accès de tous à l’eau car c’était pour le village un double problème : quantitatif et qualitatif. La population n’avait accès qu’à la source se trouvant dans la Carrère, source de mauvaise qualité qui passait sous tout le village et était contaminée par les eaux de surface. Il existait une autre source, à 800 mètres au sud du village, dans un endroit appelé Hountadaous, ce qui signifie « la fontaine des fées ». Cette eau était de bien meilleure qualité mais loin du village.
Louis Rey avait des convictions, un projet pour le village : réaliser l’adduction d’eau, ce qu’il appelait : le projet des fontaines. Il pouvait compter sur une partie de la population qui lui faisait confiance malgré son jeune âge. Il ne lui restait plus qu’a prendre le pouvoir.
Le 3 mai 1896, Louis Rey a 24 ans. C’est jeune pour se présenter comme maire. Mais il n’a pas envie d’être simple Conseiller municipal. C’est maire, ou rien. Et manifestement, la situation n’est pas mûre. Son père, Dominique Rey, est en conflit avec la municipalité sortante. Cette dernière refuse de lui payer les indemnités de logement à laquelle lui donne droit son statut d’instituteur.
Louis Rey est jeune, mais il sait manœuvrer. Il met la pression sur le maire sortant : il impose la composition d’un bureau électoral dans les formes, et un lieu neutre pour voter : l’école. Jusque là, on peut se demander où se passaient les élections, et dans quelles conditions… Ensuite, il n’y a que trois élus au premier tour. Ils s’appellent François Despars, un inconnu, Prosper Davezan, d’une famille connue pour son républicanisme intransigeant et un ancien camarade d’école de Louis Rey, et Barthélémy Ferrou. Les autres sont mal élus. La lutte pour le pouvoir peu commencer pour Louis Rey.
Tout d’abord, on constate que deux des conseillers municipaux ne siègent jamais. Il sont là comme s’ils gardaient la place pour quelqu’un. Ensuite, Louis Rey rachète la maison qui fait fonction d’école a un autre exclu du conseil municipal : Dominique Lacaze. Et il refuse de renouveler le bail à la commune, obligeant la municipalité à trouver une solution dans l’urgence. Cette manœuvre permet de décrédibiliser le maire, qui ne parvient plus à trouver une solution pérenne pour l’école et aussi, pour la salle du Conseil municipal. De plus, le Préfet exerce une pression de plus en plus forte sur la municipalité pour qu’elle respecte les droits de l’instituteur. Et s’il cède, le maire, Jacques Carrère, perd la face.
Le nouveau drame qui frappe la famille Rey avec la maladie brutale puis le décès de Dominique Rey sert manifestement le destin municipal du fils. Le 25 mai 1898, 3 semaines après la mort de Dominique Rey, le Conseil municipal se réunit à Cazaux – Debat, dans la salle de l’école où la présence de l’instituteur doit encore se faire sentir. Le Préfet a mis la commune en demeure de payer les indemnités de logement dues à Dominique Rey. Le maire résiste, mais la délibération est adoptée à la majorité. Jacques Carrère, vieux monsieur de prés de 80 ans, celui qui a fait réalisé le pont de pierre sur la Neste, démissionne.
La salle de classe de Dominique Rey, où s'est déroulé le Conseil municipal
Le 23 décembre 1898, le Conseil municipal se réunit sur convocation du Sous – Préfet et sous l’autorité de l’adjoint François Soutiras qui fait fonction de maire. Il considère que François Despars n’a jamais été installé comme conseiller municipal et doit être regardé comme démissionnaire. Il considère également que Bernard Carrère a manqué trois réunions du Conseil sans excuse recevable et doit également être considéré comme démissionnaire. Une élection partielle est nécessaire. Elle a lieu le 12 février 1899. Joseph Fontan et Louis Rey sont élus avec 16 voix chacun, sur 16 votants. Le 26 février 1899, le Conseil municipal est installé. Louis Rey est élu maire par 9 voix et un bulletin blanc, sans doute le sien. A 26 ans, il a réussi à réunir tout le monde derrière lui pour entreprendre la réalisation des rêves de son père : une école, et des fontaines publiques amenant une eau de qualité jusqu’au village.
Louis Rey, maire de Cazaux – Debat
Le 9 avril 1899, le nouveau maire réuni son conseil. A l’ordre du jour : l’école. Une nouvelle institutrice est arrivée à Cazaux –Debat.
Souvenons – nous. Pour obtenir le départ de Dominique Rey, le Conseil municipal avait demandé la nomination d’une institutrice car les instructions ministérielles demandaient pour les écoles mixtes soit que la titulaires du poste soit une femme, soit, si c’était un titulaire, qu’une femme soit rémunérée pour réaliser des travaux de couture pour les filles.
Le poste d’instituteur rendu vacant par le décès de Dominique Rey, l’Académie avait donc nommé sur le poste une institutrice. Elle sortait de l’école normale d’institutrices de Tarbes et s’appelait Jeanne – Marie Compagnet. A Barrancoueu, son village d’origine, tout le monde l’appelait Maria. Apparemment, Monsieur le Maire était aux petits soins devant la nouvelle arrivante. La maison louée aux Ferrou, l’actuelle mairie du village, est rapidement transformée avec au premier étage, le logement de l’institutrice, équipé d’un cabinet de toilette, et au rez-de-chaussée, la salle de classe.
L’institutrice et le maire se marient et ont deux enfants : Bertrand et Suzanne.
Louis Rey se rend à Arreau en compagnie d'une habitante du village
En 1900, de nouvelles élections ont lieu. Cette fois, il n’ y a pas de division. Le Conseil municipal est assez peu renouvelé. Louis Rey est réélu maire, avec pour adjoint toujours François Soutiras. Et la première décision du Conseil municipal est de renouveler le bail pour le bâtiment d’école, qui vient d’être refait. Le bâtiment est finalement acquis par la commune en 1901.
L'assistance médicale gratuite
En 1901, le Conseil municipal délibère pour la mise en place de l’assistance médicale gratuite pour les plus pauvres. Jusque là, il avait invoqué la situation financière de la commune et le nombre d’habitants qui pouvaient y prétendre pour ne pas mettre en place ce système issue d’une loi de 1893. Mais en 1901, le Conseil général des Hautes Pyrénées a proposé aux communes un nouveau système, où il prend en charge 80% de la dépense. La commune a donc décidé de passer un contrat avec un médecin de Bordères Louron. Ce système a eu pour effet d’avoir de nombreux médecins conseillers généraux. Ce fut le cas pour celui choisi par la commune de Cazaux Debat. Il fut conseiller général radical du canton de Bordères Louron pendant de nombreuses années.
En 1905, la commune loue les deux carrières de pierre et de sable qui se trouvent au quartier Tuco, au dessus de la route départementale. C’est un certain Bernard Marsalle, de Cazaux – Debat qui en devient le gérant avec mission d’en tirer tout le parti possible.
Pendant ce temps, les affaires du village continuent : entretien des chemins vicinaux, convention avec le Docteur Aubiban pour l’assistance médicale gratuite, secours exceptionnel à l’adjoint au maire, François Soutiras, dont la maison a été entièrement détruite par un incendie en 1905. Et aussi, reconstruction de la cabane du pâtre communal qui a été détruite au dessus du lac de Bordère.
L'assistance aux vieillards
A partir de 1906, en application de la loi du 14 juillet 1905, la Commune doit également voter un règlement pour l’assistance aux vieillards, infirmes et incurables afin de participer à leur frais de logement, de chauffages, de nourriture et de vêtements. L’allocation mensuelle peu être comprise entre 5 et 20 francs. Après examen des coûts, le Conseil municipal indique que l’allocation pour les personnes concernées à Cazaux – Debat devrait être de 19 francs par mois. Après avoir reçu l’ensemble des délibérations des conseils municipaux du département, le Conseil général des Hautes Pyrénées précise la règle : ce sera 5 francs de participation de sa part pour les communes de moins de 200 habitants, 10 francs au-delà. La commune de Cazaux – Debat révise donc son barème pour fixer l’allocation mensuelle à … 5 francs. La situation des bénéficiaires est suivie de près par le Conseil municipal, qu’il s’agisse de l’état de santé ou de l’état pécuniaire. En 1908, la dépense s’élève à 240 francs pour 4 personnes, le Conseil général prenant en charge 90% de la somme.
La protection des soutiens de famille
La commune doit également se prononcer sur le cas des soutiens de famille, dispensés de ce fait du long service militaire qui s’impose alors aux jeunes hommes. Ces cas nous éclairent sur la situation sociale des familles de Cazaux – Debat.
Ainsi, le jeune Verdier Jacques Blaise Remy : il doit subvenir aux besoins de ses parents, Etienne Verdier « incapable de gagner sa vie » et Campistrou Françoise, « atteinte d’aliénation mentale », et aussi de Verdier Joséphine, « dont la vue est très faible ».
Le jeune Lafaille Louis Eugène est lui charpentier, sans doute à la scierie des Rey. Son père est perclus de rhumatisme, sa mère, atteinte d’une maladie incurable doit rester au lit, il y a 7 enfants, l’ainé au service militaire et les autres en bas âge. Il est apparemment le seul qui rapporte de l’argent à la maison familiale.
Le jeune Bégué Jean-Marie Louis Camille, dit Louis Bégué, est soldat au 57ème régiment d’infanterie à Bordeaux. Sa mère décède en 1908 et son père, ancien combattant de la guerre de 1870, « y a contracté des infirmités qui se sont aggravées avec l’âge ». C’est la mère qui, en l’absence du fils faisait fonctionner l’exploitation agricole.
Le canal
En 1907, la commune reçoit un courrier qui aura une grande conséquence sur son avenir et son développement. Messieurs Perrin, Cluzel et compagnie sollicitent l’autorisation de construire un tunnel traversant la commune pour dévier les eaux de la Neste vers une usine hydroélectrique à Arreau. Le Conseil municipal, considérant que « la création d’une usine hydro électrique dans la région serait une source de revenus pour ses habitants, que les lieux sollicités sont de peu d’importance et que la commune ne pourrait qu’en tirer un meilleur parti » accorde l’autorisation demandée à deux conditions :
- Le paiement d’une somme de 5000 francs ;
- Le tunnel ne doit en aucun cas gêner l’accès aux chemins et pâturages.
L’argent perçu est placé en rentes de l’Etat. Le financement des fontaines et autres projets semblent ainsi assurés à moyen et long terme.
De fait, en 1906, l’année agricole a été mauvaise, pluvieuse ce qui c’est traduit par des éboulements sur les chemins vicinaux. Il est nécessaire de les reconstruire.
Par la loi de 1907, la commune a « héritée » de l’ancien presbytère. La maison et ses dépendances sont louées par soucis de bonne gestion.
Le presbytère avec sa galerie (démollie dans les années 2000)
La parenthèse
En 1910, au renouvellement du conseil municipal, Louis Rey n’est pas candidat à la fonction de maire. Joseph Fontan est élu maire et François Soutiras, adjoint. Que c’est il passé ? Il semble que ce soient des motivations personnelles qui aient poussées Louis Rey à abandonner sa fonction de maire. Le projet des fontaines est en cours de réalisation, et la famille Rey a un projet : quitter Cazaux – Debat et aller s’installer à Tarbes pour y vivre une vie bourgeoise. Finalement, ce projet ne se réalise pas, mais Louis Rey fait réaliser d’importants travaux à la maison familiale. Cette dernière ressemble désormais aux maisons construites dans la vallée par ceux qui ont fait fortunes aux Amériques : une grande galerie ouvrant sur le fond de la vallée, au Sud, et à l’intérieur, des chambres desservies par un escalier central, une cuisine, une salle de séjour, un bureau pour Louis Rey, un grand grenier avec des chambres pour le personnel de service. Après ces travaux, la famille n’a plus envie d’ailleurs.
Les fontaines
Le 12 mars 1904, 5 ans après la prise de pouvoir de Louis Rey, les fontaines sont à l’ordre du jour du Conseil municipal.
Le pont en pierre, les travaux et l’achat de l’école, tout cela est enfin remboursé. On peut enfin réaliser le grand projet des Rey.
« Le Conseil municipal considérant que la commune ne possède qu’une fontaine très mal située et dont l’eau peu abondante est par surcroit contaminée et provoque des cas fréquents de fièvre typhoïde croit qu’il est urgent de pratiquer des fouilles pour chercher une autre source qui répondrait mieux par son abondance, sa meilleure situation et surtout par la qualité de son eau aux besoins de la population. Considérant en outre que les besoins de la commune ne lui permettent pas de faire exécuter les travaux nécessaires pour la recherche de ladite source demande qu’il lui soit alloué un secours de 180 francs prélevé sur le produit de l’année correctionnelle. »
Les premiers sondages se montrent infructueux. En effet, il semble que l’idée de départ ait été de capter une source se trouvant dans le village, au dessus des maisons Bégué ou Davezan. D’évidence, le projet va coûter cher et il faut tirer parti de toutes les ressources communales.
En 1907, les sources qui alimenteront les fontaines sont trouvées.
Houtadaous, sur le chemin de Ris
Le 31 mai 1908, le conseil municipal est renouvelé et un nouvel adjoint est choisi : Barthélémy Ferrou. Le Conseil municipal choisi un géologue et un chimiste pour le projet des fontaines. La décision est prise : les sources de Carrot et de la Heraougne seront captées depuis Hountadaous pour être amenées au village. Là seront construites un lavoir, un abreuvoir et les fontaines d’où jailliront les deux sources. La réalisation du projet est confiée à monsieur Ardurat, conducteur des Ponts et Chaussées. Ce dernier doit réaliser les plans, les devis et contrôler l’exécution des travaux. Le projet doit être financé par une coupe de bois extraordinaire, un emprunt et »si nécessaire, « il sera demandé une subvention sur les fonds du pari mutuel pour financer la différence. »
La construction des fontaines et relancée en 1912 avec un nouveau maitre d’œuvre, monsieur Deguillaume, des Ponts et Chaussées. En novembre 1912, le Conseil municipal approuve les plans et devis de son maitre d’œuvre. Cette fois, les travaux vont commencer. Le 24 août 1913, les subventions obtenues, la commune lance la procédure d’adjudication restreinte. Il s’agit de sélectionner sur appel à candidature les entreprises compétentes pour réaliser les travaux, puis de leur demander leur prix et de retenir l’entreprise moins disante. En cas d’égalité, un tirage au sort désigne l’entreprise retenue, l’adjudicataire. Le Conseil municipal est méfiant : la procédure par voie d’adjudication restreinte est sollicitée auprès de la Préfecture « pour éviter ce qui c’est produit pour quelques communes environnantes dont les travaux concernant le même objet ont été exécutés dans des conditions défectueuses par des entrepreneurs peu connus munis cependant de certificats élogieux et qui aux adjudications au rabais avaient soumissionnés dans les conditions les plus avantageuses ».
Les trois commissions
Le 19 mai 1912, Louis Rey retrouve son siège de maire. Barthelemy Ferrou est à nouveau l’adjoint. L’heure est à l’innovation. Trois commissions sont créées, de trois membres chacune.
La première composée de Dominique Ferrou, Prosper Davezan et Louis Bégué, s’occupe des règlements communaux concernant le pacage et la surveillance des forêts non soumises au régime forestier.
La seconde, avec Barthélémy Ferrou, François Soutiras et Dominique Lacaze, est chargée de l’entretien des chemins vicinaux et ruraux et de ce que les conduites d’eau soient bien entretenues par les propriétaires.
Enfin, la troisième, avec Jacques Carrère, toujours là à 90 ans passés, Valentin Fontan et Jacques Verdier s’occupe de la surveillance et de l’entretien des places, bâtiments communaux, fontaines et abreuvoirs.
L’organisation en commissions porte ses fruits : une nouvelle recette, les droits de chasse, est mise en œuvre. Et une boite aux lettres fixe, installée à la Prade, est demandée et accordée par l’administration des Postes. La moitié de la boite aux lettres est payée par la commune. Enfin, les 50 francs prévus pour la rénovation du clocher de l’église sont utilisés pour réparer le toit et la cheminée de l’école.
La première commission s’active aussi : le sieur Baptiste Lafaille s’est illustré en abattant des chênes dans la forêt communale. Un procès verbal lui a été dressé, qu’il a contesté au tribunal et il n’est pas impossible qu’il ait raison : les arbres étaient en limite de ses propriétés et de celles de la commune, sans bornage. Un procès s’ensuit, et les propriétés communales en bordure de celles des Lafaille sont bornées.
« Lettre au Procureur de la République à Bagnères de Bigorre
séance du 18 juin 1913
Les sous signés membres du Conseil municipal de Cazaux – Debat ont l’honneur de vous exposer que le 18 juin 1912 il a été dressé contre Lafaille Baptiste domicilié dans cette commune un procés-verbal pour délit forestier. Ce procés verbal a été envoyé à monsieur le Procureur de la République le 12 septembre 1912 avec un jugement d’incompétence du 24 aoûut 1912.
Lafaille Baptiste a prétendu que les arbres abattus lui appartenaient sous prétexte que sa propriété et la propriété communale n’étaient pas bornées. Il espérait ainsi échapper aux poursuites. Il ne pouvait cependant invoquer sa bonne foi au motif qu’il existe des limites naturelles notamment un ravin de plus de 4 mètres de profondeur qui séparent les deux propriétés.
Néanmoins, le Conseil municipal voyant la gravité du délit, mais dans un but de concilliation, a convoqué Lafaille à trois reprises pour régler cette affaire à l’amiable. Ce dernier comptant sur l’intervention d’hommes politiques et se croyant grâce à cette intervention à l’abri de toutes les poursuites n’a pas voulu répondre à ces convocations.
La municipalité qui doit respecter les droits communaux ne peut tolérer de pareils abus.
Pour ces motifs la commune a demandé qu’il soit planté des bornes entre la propriété communale et la propriété Lafaille. Un jugement en date du 22 février 1913 a commi pour cette opération Monsieru Deguillaume conducteur des Ponts et Chaussées à Arreau.
Vous trouverez ci-joint le rapport de cet expert qui a trouvé une distance de 15 mètres entre la limite de la propriété Lafaille et la plus rapprochée des souches des arbres abattus par Lafaille.
Nous vous prions, Monsieur le Procurreur, de bien vouloir donner à ce procés verbal les suites qui conviendront. La commune ne se porte pas partie civile, se réservant de poursuivre Lafaille en dommages et intérêts.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, nos respectueuses salutations. »
Louis Rey est bien le digne héritier de Jean Bertrand Couget, expert en droit forestier et, à ce titre, habitué des prétoires.
Ainsi passe la vie. Le projet des fontaines progresse, lentement, le village se modernise, la scierie donne un travail qui complète les revenus des familles du village. Jusqu’à cet été de 1914 où tout bascule.