"Délibération du 23 juin 1770 relative aux frais de justice :
L’an mille sept cent et dix et le vingt et troisième jour du mois de juin, la semblée generalle de la communauté de cazeaux ayant été convoquée par le sieur Dominique Fontan consul en exersisse au soun de la cloche et dans le lieu ou les assemblées ont accoutume de se tenir, ou la communauté s’étant rendue ledit Sieur Fontan consul auret representé que devant a la communauté de Lançon la somme de deus cents quatre vains dix livres pour les frais du proces qui etait entre les deus communautés et que celle de Lançon gagna come il conste par larret rendu a la chambre des requétes du palais à toulouse au departement des eaux et forsets en date du dix septiéme septembre mil sept sens soïsente et neuf il convient que soit lever cette somes pour paÿer la D communauté de Lançon pour netre plus exposés a de nouvaus frais par quoi la communauté a répondu que cette demarche etait a sa plase et que pour parvenir a lever cet argent le plus court etait de payer par egale portion et non seulment pour cette affaire mais encore pour toutes celles qui a l’avenir pourroient arriver a la communauté a quoi les bas alivrans ont consenti sous la condition expresse cependant qu’ils auroient autant de droit fait pour le bois fait pour le pacage fait pour les autres facultés que les hauts alivrans. La chose mise en déliberation a été adopté de toute la communauté pour faire tant advenir quau jourduy une regle ainsi a eté delibere par nous tous qui avons signé les sept.
Fait à Cazaux le jour et an que dessus
Bertrand Fontan dit Pradé pour n’avoir peu, D Fontan, consul, A Fontan, Davezan, F Carrere, Joanet, Begué"
Que c’est il passé ?
Depuis la nuit des temps, au
moins depuis la fin du moyen-age, deux familles « règnent »sur Cazaux-Debat : les Sens et les Fontan. Ces familles sont propriétaires des moulins de la Prade et des bains. Elles ont droit aux pacages, aux forêts… Ce sont les « hauts alivrans ». Et il y a les autres, les Davezan, les Carrere, les Joanet, les Begué. Ce sont les « bas alivrans ». Ils ont des propriétés, mais dépendent pour l’accès aux bois, pour faire moudre le blé noir qu’ils produisent sur les champs en terrasse au dessus du village, des deux familles Fontan, dit Pradé, car ils habitent la Prade, et Sens, qui habitent en haut du village.
Seulement, la communauté s’est endettée. Depuis un siècle, un procès oppose à Toulouse les communautés de Cazaux et de Lançon.
La commune de Lançon est située au dessus de Cazaux, sur la montagne qui sépare le Louron de la vallée d’Aure.
http://www.cartesfrance.fr/carte-france-ville/photos_65255_Lancon.html
Au pied de la montagne, il y a la Prade et le lieu où se réunissent les troupeaux. Il y a la rivière, la Neste, dont le niveau est plus élevé qu’aujourd’hui car il n’y a pas de barrage en amont. C’est là que viennent boire les troupeaux.
Les habitants, surtout ceux dépourvus de moyens, font paitre leurs animaux, chèvres ou moutons, dans la forêt. Et souvent, ces animaux échappent à la vigilance de leur propriétaire. Les animaux de Lançon viennent boire à la Neste, et au passage, mangent l’herbe des animaux de Cazaux. Et inversement, les animaux de Cazaux se laissent tenter par les vertes prairies et les petits ruisseaux de Lançon. Ces empiètements de propriété entrainent des dissensions, des chamailleries, des heurts, des coups… C’est l’occasion de conflits entre communautés qui peuvent très mal se terminer.
La transaction de 1623
Déjà, en 1623, une transaction est intervenue entre les deux communautés, pour régler les conflits et fixer des règles concernant le vagabondage des troupeaux. La transaction passée à Arreau le 22 juin 1623 entre les communautés de Cazaux-Debat, représentée par Bertrand Sens, et Lançon pour préciser les limites des deux communautés et les droits et obligations réciproques. Cet accord devait présenter quelques failles. En effet, un procès de prés d’un siècle a opposé les deux communautés et en 1769, sous le règne du roi Louis XV, la justice a tranchée : les torts sont pour la communauté de Cazaux. Il faut payer le procès et c’est cher. L’échec est aussi politique pour ceux qui gouvernent la communauté depuis si longtemps, en particulier, les Sens. Ce sont les Fontan qui exercent le pouvoir. Mais il faut partager avec ceux qui peuvent payer.
Le partage du pouvoir
Qui sont-ils ? Ce sont les Davezan, les Bégué, les Joanet, les Carrère. Ils habitent le long de la carrère, le chemin empierré qui traverse le village de bas en haut, et rejoint l’ancien chemin de Ris. Ils n’habitent pas nécessairement les maisons actuellement connues comme « maison Bégué », « maison Davezan » ou « maison Carrere », dans la carrère, ou sous l’église. Les choses ont bougées depuis. Ces familles ont des biens, des terres. Les Bégué, par exemple, devaient déjà être propriétaires des prés et de la grange de Sours, de Hours comme ont disait alors.
Sours d'en bas : ce prés et la grange appartenait à la famille Bégué -Sur cette photo, prise dans les années 1980, on constate que le prés est toujours parfaitement entretenu, malgrés sa forte déclinaison - Au fond : Cazaux-Debat
Ils avaient aussi une cabane et donc accès aux estives, au dessus du lac de Bordères, sur la montagne de Lerm acquise de haute lutte en 1532. Ils ont les moyens d’obtenir des concessions du pouvoir local, car ils peuvent payer.
A une condition : l’égalité de traitement avec les autres. L’accord ne concerne que les familles qui peuvent payer. Les autres, ceux dont l’histoire à ce stade ne retient pas le nom, n’ont pas grand-chose.
De fait, au cours du XIXeme siècle, les Bégué, les Davezan, les Carrere, les Joanet participent au Conseil municipal dont le maire est généralement un Fontan.
Les Fontan,puissants du XIXeme siècle
La famille Fontan, propriétaire d’une maison à la Prade, eu également une grande notoriété, dans le village et dans le département : elle fournit plusieurs maires (Bernard Fontan en 1845, Jean-Baptiste Fontan en 1888, Gabriel Fontan en 1890 : il s’agissait d’une famille de propriétaires terriens (10 ha), notaires ou médecin. L’un d’entre eux, Fontan Sernin, médecin à Arreau, fut maire d’Arreau et conseiller général monarchiste de Bordères.
Leur pouvoir est contesté : une longue lettre au préfet signé Dominique Davezan 1841 et relative à l'accès à Bordères par le chemin du Maouloc en est l'illustration. Elle accuse le "Sieur Fontan" de mélanger la gestion municipale avec la de ses intérêts particuliers, les chemins vicinaux desservant les propriété des Fontan.
Que rete-t-il aujourd'hui de l'administration des Fontant à Cazaux-Debat ? Beaucoup de choses : Ils ont créé la nouvelle route, celle qui est devenue la route principale de Cazaux-Debat. Ils ont fait réalisé le pont en pierre sur la Neste. ils ont fait venir dès le début du XIXeme siècle des instituteurs qui se sont installés à Cazaux-Debat : les Ferrou, et les Rey. La population de Cazaux-Debat a ainsi eu accés à l'instruction. Grace à celà, les familles de Cazaux-Debat ont pu évoluer socialement, souvent en quittant le village, ou émmigrer : des Carrère sont partis au Chili à la fin du XIXeme siécle, les Carpi sont partis aux Etats-Unis.
Les Sens épousent le destin des Féraud
Les Sens ont pris une autre ampleur. Une des leurs, celle qui a hérité des biens de Cazaux-Debat, a épousé le neveu du conventionnel Féraud, héros malheureux des journées de Prairial an III.
Jean-Bertrand Féraud, né à Arreau le 21 mai 1764, assassiné à Paris le 20 mai 1795, était député des Hautes Pyrénées à la convention. Il vota la mort du roi en disant : « Fidèle à la déclaration des droits, je vote pour la mort. Je n’attend rien pour ma patrie de la réclusion du ci-devant roi. Son existence ne fait rien aux autres despotes. Tous nos succès contre nos ennemis extérieurs dépendent du courage de nos soldats. Contre les ennemis intérieurs, du règne des lois, du retour de l’ordre et de la cessation des méfiances. Je vote pour la mort. ». Proche des girondins, il fut envoyé en mission auprès de l’armée des Pyrénées orientale où il se signala par son courage et fut plusieurs fois blessé. De retour à Paris, il pris part au 9 thermidor, où il fut adjoint à Barras pour mener les troupes contre Robespierre. Après d’autre missions auprès des armées du Nord et du Rhin, il revint à Paris et se trouva mêlé à la journée du 1er Prairial an III (20 mai 1795) : la foule envahi la convention en criant « du pain ou la constitution de 1793 ! » Cherchant à défendre le président de l’assemblée, Féraud fut tué d’un coup de pistolet, son corps traîné dans le couloir où sa tête fut coupée et mise au bout d’une pique, pour être mise face au président de l’assemblée, Boissy d’Anglas.
Celui-ci salua religieusement le trophée, geste qui eu pour effet de calmer la foule, qui se retira. Un hommage solennel fur rendu le lendemain par la convention au député Féraud. Cet épisode a donné lieu à un célèbre tableau de Fragonard, exposé au Louvre.
http://www.medarus.org/Ardeche/07celebr/07celTex/boissydanglas.html
Son frère fut conseiller général du canton d’Arreau, son petit-neveu conseiller général du canton de Bordères, dont Cazaux fait partie, puis député monarchiste et sa nièce épousa Eugène de Goulard, qui fut député monarchiste sous la monarchie de juillet, la deuxième république puis fut ministre de l’agriculture, du commerce, des finances, de l’intérieur au début de la 3ème république.
Les Féraud ont fait construire la belle maison qui se trouve à l'entrée du village, au dessus de la route, la "maison Féraud".
Les Bégué s'affirment
Un Bégué est adjoint au maire de Cazaux-Debat en 1845. En 1874, c’est A. Bégué qui devient maire de Cazaux-Debat. Bégué était un ancien combattant revenu mutilé de la guerre de 1870, un patriote. Ce qui explique peut-être le choix du Préfet.
Mais les Bégué n’ont pas de chance avec la guerre : un blessé en 1870, et son petit-fils, mort des suites du conflit de 1914-1918 : c’est le père de Jean Bégué. Ce dernier, né en 1914, n’a donc pas connu son père. En 1919, c’est Pierre Ferras, valet de ferme des Bégué qui est revenu de Hambourg, où il était prisonnier de guerre, qui représente la famille Bégué au conseil municipal. Ainsi, entre 1770 et 1998, date du décès de Jean Bégué, cette famille a toujours été représentée au conseil municipal. Elle compte deux adjoints et un maire.