Le samedi 22 juin 2013, a eu lieu l'inauguration de la stèle dédiée aux travailleurs viêtnamiens morts en août 1918 de la grippe à Cazaux Debat, alors qu'ils étaient venus construire le canal d'amenée d'eau qui va d'Avajan, en amont de Bordères - Louron, jusqu'à Arreau.
Une cinquantaines de personnes étaient venues participer à cet évènement.
Les personnes présentes regrardent les panneaux exposés et écoutent les explications de Claude L'Hermite, qui a réalisé l'essentiel des recherches
Les participants autour de Jean Bernard Casteran et du porte - drapeau
Discours de Paul Bouygard, le président de l'association des amis de Cazaux - Debat :
Madame la représentante de la République socialiste du Viêtnam, Monsieur le directeur de l’ONAC –VG représentant monsieur le Préfet, Monsieur le Député, mesdames et messieurs les maires, messieurs les représentants des anciens combattants, Monsieur le Directeur de l’usine ARKEMA, mesdames et messieurs,
Quand nous avons créé l’association avec
Claude L’Hermite, Jacques Girardi et Jean – Bernard Casteran, un jour de novembre 2008, c’était avec en tête deux projets :
• Retrouver la trace du petit garçon arrêté à Barrancoueu
• Rendre hommage aux travailleurs vietnamiens qui avaient construit le canal du Louron et qui étaient décédé en 1918 de la grippe espagnole. Tout d’abord, en retrouvant leur cimetière
puis en faisant réaliser une stèle à leur mémoire.
Quand nous en avons reparlé, il y a peu de temps, nous nous sommes avoués que ce jour là, aucun d’entre nous ne croyait que ces deux objectifs pourraient être atteints.
Et pourtant, c’est la force du groupe, de l’association, de la solidarité : nous y sommes arrivés.
Ce projet de stèle, c’est d’abord celui de Claude L’Hermite. C’est lui qui a retrouvé la liste des travailleurs viêtnamiens décédé de la grippe, avec son ami Christian Lebraud. Pour cela, ce dernier c’est rendu consulter les archives des Hôpitaux militaires, à Limoges, puis les archives détenues au château de Vincennes. Tout ce travail a permis d’identifier ces personnes, et de reconstituer leur histoire. Nous avons également pu compter sur l’aide d’un jeune chercheur de l’université de Pau, Olivier Dussaut – Nebout, qui a réalisé son mémoire sur les travailleurs vietnamiens dans les Hautes-Pyrénées pendant la première guerre mondiale, et qui a bien voulu nous confier ses travaux.
Et nous avons progressivement constaté que nos recherchent intéressaient beaucoup de monde. D’abord dans les vallées, puis la presse, et enfin, et surtout, des personnes d’origine vietnamienne. Aujourd’hui, la République du Vietnam est représentée lors de cet hommage et cela donne tout son sens au travail que nous avons effectué : travail de mémoire pour rendre hommage à des ouvriers et aussi, un travail pour rapprocher deux peuples dans un élan de fraternité : cela, nous y tenions beaucoup.
Ce projet a également tout particulièrement intéressé Monsieur Pierre Forgues, alors député de la circonscription : c’est grace à lui que nous sommes parvenus à financer le projet. Nous avons également pu compter sur le soutien de Monsieur Michel Pélieu, Président du Conseil général, qui nous a donné le coup de main indispensable pour aboutir, et Madame La maire de Cazaux – Debat, qui a accepté d’assurer la maitrise d’ouvrage de l’opération et d’y mettre les moyens suffisants.
C’est par vous que cette stèle existe. Sa forme rappelle celle des stèles dressées en 1914 – 1918 sur les tombes des soldats et des ouvriers coloniaux. 1918 était l’année du cheval dans le calendrier viêtnamien : c’est ce que rappelle le signe situé en haut de la stèle. Enfin, nous avons fait graver le nom de tous les ouvriers décédés en 1918 alors qu’ils construisaient le canal du Louron : 19 noms, 2 enterrés au cimetière de Cazaux – Debat, 8 ici et 9 à Arreau. Le béton de la stèle rappelle celui utilsé pour la construction du canal. Cette construction effectuée par des travailleurs pour la plupart contraints : mobilisés trop âgés pour se battre, lorrains mobilisés sur des travaux de défenses nationnale, travailleurs coloniaux.
Un paysan de Cazaux – Debat, Jean Bégué, orphelin de guerre, avait passé 5 ans de captivité en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Il m’avait montré le canal une fois que nous étions en train de nettoyer le chemin qui mène à Illan, au dessus de l’endroit où nous sommes. Et en me montrant des défauts de l’ouvrage, à côté de passages parfaitement réalisés, il m’avait dit : « tu vois, c’est du travail de prisonnier ». Du travail solide malgrés tout car depuis maintenant un siècle, il permet à la centrale hydroélectrique de Bordères, à Arreau, de fournir de l’électricité. Et l’usine ARKEMA, à Lannemezan, en bénéficie toujours pusiqu’au départ, c’est pour elle, alors poudrerie de Lannemezan, que l’usine d’Arreau a été construite.
Je vous remercie.
Discours de Françoise Buisson, maire de Cazaux - Debat :
Madame la représentante de la République socialiste du Viêtnam, Monsieur le directeur de l’Office national des anciens combattants, représentant de l’Etat, Monsieur le Député, mesdames et messieurs les maires, monsieur le Président des anciens combattants, Monsieur le Directeur de l’usine ARKEMA à Lannemezan, mesdames et messieurs,
Depuis quelques années,
sous l’impulsion de Monsieur Morinière, de Monsieur Marquié et des élus de nos vallées d’Aure et du Louron, nous avons décidé de valoriser le patrimoine et l’histoire de nos villages avec le Pays
d’art et d’histoire. Ici, à Cazaux – Debat, village de 25 habitants, c’est l’association des amis de Cazaux –Debat qui porte des projets pour permettre à chacun d’entre nous de s’approprier ce
patrimoine.
Nous avons à Cazaux – Debat des fontaines, des forêts, des terrasses marquant les traces d’un passé de cultivateurs, une église avec une meurtrière sur le côté, un canal qui barre la forêt en face du village. Et tous ces éléments nous racontent une histoire qui est locale et qui est aussi universelle.
L’année dernière, nous avons ainsi inauguré une plaque en mémoire de notre institutrice, Madame Monacelli, et aussi à la mémoire d’un groupe de résistants antinazis autrichiens. Je remercie encore tous ceux présents ce jour là, en particulier mon adjoint, Monsieur Faugère, qui m’avait représenté, ainsi que le Conseil municipal et Monsieur le Maire de Barrancoueu pour la façon dont ils ont su recevoir l’ensemble des participants et nos amis Autrichiens.
Cette année, nous inaugurons une stèle en la mémoire de travailleurs vietnamiens décédés dans notre village, ou à Arreau, en 1918.
Pour nous, cet hommage et cette stèle ont trois significations.
Tout d’abord, c’est un signe de reconnaissance.
Reconnaissance pour le travail et le sacrifice d’hommes qui sont venus pendant la première guerre mondiale, participer à l’effort de guerre. Leur départ a été contraint. Ils sont arrivés à Marseille après un long voyage à fond de calle. Ces hommes ont construit des obus, à Toulouse, à la poudrerie. Leurs conditions de travail étaient dangereuses et éprouvantes. Ils étaient mal payés, plus mal payés encore que le personnel féminin employé dans l’usine. Et ils ont été victimes d’émeutes. C’est dans ces conditions qu’ils sont arrivés à Cazaux - Debat où ils ont été logés dans des cabanes de type Adrian, à 60 par hébergement. Leur camp était dans le pré en dessous, qui a deux caractéristiques : il est froid et humide en hiver, et très chaud en été. Entre le 15 et le 30 août 2013, 19 d’entre eux, au moins, sont décédés de la grippe. Les autres sont rentrés chez eux. Durant le voyage du retour, beaucoup d’entre eux se sont fait volé l’argent de leur salaire gagné en France.
Aussi, quand nous regardons le canal qui achemine l’eau nécessaire à la production d’électricité, nous avons une pensée pour ces hommes.
Cet hommage, c’est aussi un signe de fraternité entre les peuples.
Déjà, durant le séjour en France de ces hommes auxquels nous rendons hommage aujourd’hui, des associations se sont créées, des initiatives individuelles leurs sont venues en aide, en particulier pour les occuper pendant les temps de permission. Quand l’épidémie de grippe espagnole s’est déclarée dans le camp, personne n’était en mesure de savoir ce que c’était. Une sorte de pneumonie. Le maire d’alors, Louis Rey et son épouse ont pris sous leur toit les deux premiers à être gravement atteints, qui sont décédés et ont été inhumés dans le cimetière du village, à côté de l’église. D’autres personnes du village et de la vallée sont intervenues pour apporter l’aider nécessaire : transporter des malades, prodiguer des soins et ensuite, entretenir les tombes, pendant de nombreuses années.
Les tombes se sont effacées. Il faut bien le dire, pour les habitants, le lieu était un peu maudit. Mais le souvenir de ceux qui étaient toujours appelés ici « les annamites » a traversé le siècle. Le projet mené par l’association des amis de Cazaux – Debat a permis de retrouver ce site et de le réhabiliter. La commune de Cazaux Debat a exercé la maîtrise d’ouvrage de ce projet, en partenariat avec la Communauté de communes et l’association des Amis de Cazaux – Debat.
Je remercie tout d’abord Monsieur le député Pierre Forgues qui a assuré 50 % du financement du projet via la réserve parlementaire. Sans lui, cette stèle n’existerait pas. Je remercie Monsieur Glavany, l’actuel député de la circonscription (qui est exusé, il est sollicité suite aux inondations), qui a pris le relais pour porter ce dossier auprès de monsieur le ministre des anciens combattants, monsieur Kader Arif. Je remercie aussi les services de l’ONAC-VG et son directeur, Monsieur Banas, qui représente aujourd’hui l’Etat. Et enfin, Monsieur Pélieu (également excusé pour les mêmes raisons que Monsieur Glavany) et avec lui le Conseil général qui ont apportés avec l’association des Amis de Cazaux – Debat les financements complémentaires. Je remercie monsieur le Président de la Communauté de Communes de la vallée du Louron ainsi que mes collègues maires pour avoir eux aussi portés le projet.
Ainsi, nos amis vietnamiens doivent savoir que leurs aïeux, venus mourir si jeunes dans nos montagnes, ne sont pas oubliés et sous toujours honorés ici, à Cazaux - Debat.
C’est enfin un devoir de mémoire.
En 2014, va débuter la période du centenaire de la première guerre mondiale. Ce terrible conflit qui a fait des dizaines de millions de morts et qui a affecté toutes les familles. Ce monument vient rappeler un épisode particulier de cette histoire. La façon dont la République Française a fait appel aux ressortissants de son Empire colonial pour contribuer à lutter contre l’envahisseur d’alors.
Ces hommes n’étaient pas des soldats. C’étaient des ouvriers coloniaux. Ils n’étaient pas volontaires pour venir. Ils ont participé, avec d’autres, à construire un canal alors utile pour la Défense nationale et qui l’est resté pour nos besoins civils. Ils sont morts d’une épidémie qu’ils ont contractée ici, alors qu’ils étaient au service de la France.
Et ils méritaient d’être honorés.
Je vous remercie.
Monsieur Pierre Forgues, Député honnoraire, a su en quelques mots montrer à quel point ce projet était porteur d'amitié entre deux peuples qui se sont combattus, et d'humanité. C'est un projet qui rend hommage à de simples ouvriers coloniaux qui ont, par leur travail, participés à la lutte contre l'envahisseur et à la prospérité future du pays, puis que l'usine hydroélectrique fonctionne encore. Ces hommes font partie de notre histoire.
Pierre Forgues
Représentant de l'Etat, monsieur Banas, directeur départemental de l'office national des anciens combattants, a pris la parole en leur nom, pour exprimer à son tour la reconnaissance de la République Française à ces travailleurs coloniaux qui ont participé à la première guerre mondiale à la place qui leur avaient été assignés et qui sont morts en 1918. Des hommes dont le souvenir a été conservé.
Madame Dang Thu Ha, représente de l'ambassade du Viêtnam, Madame Françoise Buisson, maire de Cazaux - Debat, Monsieur Pierre Forgues, député, et Monsieur Ludovic Banas, directeur départemental de l'ONAC - VG
La stèle a été dévoilèe :
Chacun a pu lire le texte, et entendre les explications relatives au dessin en rond sur le monument :
Désormais, la stèle est en place au dessus du camp où se trouvait en 1918 le camp des annamites, à l'endroit où 8 d'entre eux ont été ensevelis.
Elle est bien en vue en face du pont de Cazaux - Debat, quand on descend vers Arreau.
Pierre Forgues et Dang Thu Ha
Peintres d'obus viêtnamiens à l'arsenal de Tarbes - Photo anonyme - 1918