Le vendredi 7 juin, la conférence consacrée au passage de la mémoire en vallées d'Aure et du Louron a rassemblée une quarantaine de personnes.
Patrick Fort, romancier, a fait partager à l'auditoire la force, la joie de vivre, l'optimisme et la détermination qui n'ont pas abandonné Célestino Alonzo, l'espagnol de la célèbre affiche rouge
Ce roman, largement documentaire,ravive le souvenir des combattants du groupe Manouchian, sublimé par le poème d'Aragon :
• Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans
• Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944)
• Joseph Boczov [József Boczor; Wolff Ferenc] (AR), Hongrois, 38 ans - Ingénieur chimiste
• Georges Cloarec, Français, 20 ans
• Rino Della Negra, Italien, 19 ans
• Thomas Elek [Elek Tamás] (AR), Hongrois, 18 ans - Étudiant
• Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans
• Spartaco Fontano (AR), Italien, 22 ans
• Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
• Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans - Ouvrier métallurgiste
• Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
• Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans
• Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
• Césare Luccarini, Italien, 22 ans
• Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans
• Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
• Marcel Rayman (AR), Polonais, 21 ans
• Roger Rouxel, Français, 18 ans
• Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
• Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
• Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans
• Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans
• Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans
Strophes pour se souvenir
Louis Aragon
Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant
Voici la lettre que Missak Manouchian a adressée à sa femme Mélinée le matin de son exécution :
"Fresnes, le 21 février 1944.
"Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à la sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui Valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 22 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mai à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont- vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel.
P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M"
Jusque là, aucune photo n'existait de ces exécutions. Mais Clemens Ruther, sous-officier allemand anti-nazi,avait pris plusieurs clichés à la dérobée en février 1944.
Crédit Photo : AFP/Clemens Ruhter/S.Klarsfeld
Sur cette photo, on voit l'exécution de Celestino Alfonso, Wolf Josef Boczor, Emeric Glasz et Marcel Rayman. Tous les membres ont refusé d'avoir les yeux bandés.
Madame Epstein a raconté comment son mari, Hongrois, a rejoint les FTP - MOI à Toulouse pour participer au "travail anti allemand". Il s'agissait de distribuer aux soldats allemands des troupes d'occupation des journaux, des tracts et de les convaincre d'entrer dans la résisatance. Un cerain nombre de soldats l'ont fait. D'autres, comme Clemens Ruthers, l'auteur de la photo ci -dessus, ont combattut le nazisme à leur manière, en témoignant pour l'avenir.
Monsieur Marquié a rappelé l'engagement de son père, médecin socialiste qui est intervenu auprés des combatants et réfugiés espagnols en particulier dans la poche de Bielsa en 1938, puis s'est engagé dans la résistance. Début juin 1943, il a du passer en Espagne par l'arbizon, l'oule, Cap de Long, la hourquette de Charmentas, puis Baroude. Puis les camps en Espagne, puis la France libre où il rejoingnit le BCRA, les services de renseignements gaullistes.
Sébastien Barrère est un historien. Il a montré les conditions de passage des pyrénées par des milliers de personnes de tout âge et de toutes conditions, et aussi, la façon dont ils ont été accueillies et traitées par l'Espagne franquiste. Pour celà, il s'est appuié sur le témoignage de son grand père.
Pour ma part, j'ai témoigné des raisons qui m'ont poussé à entreprendre les recherches sur les réfugiés autrichiens de Cazaux - Debat et de Barrancoueu. L'importance des témoins pour la poursuite des recherches, l'importance des documents découverts, en particulier ce livre publié par l'université de Rouen :
Ces Autrichiens ont participé pour beaucoup d'entre eux à la lutte contre le facisme et le nazisme dans leur pays, puisse sont battus contre le facisme en Esapgne avant de se réfugier en France et d'être internés dans des camps comme Gurs. Ils ont ensuite trouvé refuge dans les Pyrénées à Lannemezan, puis Barrancoueu, Arrau et Cazaux - Debat. Ils ont ensuite repris la lutte, dans le travail anti-allemand, en Autriche et même pour ceux qui ont été arrêtés, dans les camps de concentration et d'extermination nazis.
Paul Jelinek fait du charbon de bois à Cazaux - Debat. Membre du Travail anti allemand, il est arrêté début 1943 et déporté à Auschwitz, puis dans d'autres camps où il participe à la résistance.
Les Autrichiens de Cazaux-Debat - 1ere partie : une enquête de police
Les Autrichiens de Cazaux-Debat, 2eme partie : Georg Hirsch, l'enfant de Barrancoueu
Les Autrichiens de Cazaux-Debat - troisième partie : madame Monacelli
Les Autrichiens de Cazaux-Debat - quatrième partie : les bûcherons et charbonniers de Cazaux-Debat
18 mai 2012 : une journée particulière à Cazaux-Debat et Barrancoueu
Françoise Bouygard écrit un livre qui sera prochainement publié aux éditions Tirésias dans la collection "Ces oubliés de l'histoire".
Les trois conférenciers ont ainsi mis en lumière des aspects trop méconnus de la lutte contre le nazisme : le carractère européen de cette lutte, qui a concernés aussi de trés nombreux Allemands et Autrichiens, le rôle des Espagnols et des étrangers en général dans la résistance française, et des soldats venus d'Afrique libérer le sol de la métropole. Ils ont rappelé l'importance des témoignages oraux de ceux qui ont vécu cette histoire et qui pènent à la raconter. Leur mémoire et failible. Elle est incomplète, poluées par des évnènements qu'ils ont vus, entendu ou même rêvé ensuite. Mais elle est essentielle pour entrainer les jeunes générations sur le chemin de la recherche histoiruqe précise et documentée.
L'histoire de la seconde guerre mondiale dans tous ses aspects doit en effet être connue. Le crime nazi avait pour objectif de détruire la trace et la mémoire de millions de personnes du fait de leur religion. La lutte de notre association pour redonner à Georg Hirsch, l'enfant arrêté à Barrancoueu, un nom, pour reconstituer son histoire, celle de sa famille et pour organiser une cérémonie qui peut s'apparenter à une forme de funérailles a été notre façon de lutter contre le crime nazi, crime imprescriptible.
C'est aussi le sens du livre en préparation.