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18 mai 2012 : une journée particulière à Cazaux-Debat et Barrancoueu

par amisdecazaux 18 Juin 2012, 20:57 les Autrichiens de Cazaux-Debat

Le vendredi 18 mai à 11 heures à Cazaux-Debat a eu lieu l'inauguration de la plaque à la mémoire de Madame Monacelli, institutrice du village, et des 13 résistants autrichiens qu'elle a aidée. Puis à midi à Barrancoueu, l'inauguration de la plaque à la mémoire de Georg Hirsch, enfant arrêté par les nazis à deux reprises, déporté et assassiné en janvier 1944.

 

L'inauguration de cette plaque est la conclusion de quatre ans de travaaux de recherches reposant sur quelques vagues souvenirs des rares témoins pour la plupart indirects : un groupe de charbonniers autrichiens "de drôles de charbonniers, ils n'en avaient pas l'allure...", Andrée Fourasté, les Spiegel, Meisel, Tilly Spiegel [femme du chef de la résistance autrichienne en France, Franz Marek et aussi, historienne des femmes autrichiennes dans la résistance]. A partir de ces quelques éléments, nous avons réussi à retrouver presque toute l'histoire, car certaines pièces du puzzle manquent encore. Nous y reviendrons.  

 

Nous tenons à remercier les archives de Tarbes et son directeur, grace à qui nous avons pu trouver un document extrèmement important : le rapport de l'inspecteur Talazac. Ce rapport est mentionné dans la suites d'articles regroupés sur ce blog sous l'intitulé "les Autrichiens de Cazaux-Debat".

 

C'est grace à Internet qui nous a permi de découvrir un livre des publications de l'Université de Rouen, Centre d'étude et de recherches autrichiennes : "Les Autrichiens dans la Résistance, actes du colloque, de Paul PASTEUR et Félix KREISSLER (E.D.).   Ce livre contient plusieurs passages qui décrit explicitement le rôle des "Charbonniers de Cazaux-Debat" pour reprendre l'expression employée par M. Hans LANDAUER dans sa contribution lors du colloque, laquelle est reprise dans le livre. Nous avons pris contact avec M. Pasteur qui nous a aidé, et mis en relation avec le DÖW de Vienne. C'est un établissement qui archive et fait connaitre l'histoire de la résistance autrichienne antinazie. Grace à eux, en particulier à Madame Filip, nous avons pu reconstituer la bibliographie des autrichiens passés par Cazaux-Debat et la vallée d'Aure.

 

Dans les documents de Tilly Spiegel, figurait une mention comme quoi le fils d'Albert Hirsch, le fils de l'un des Autrichiens,  avait disparu. Cette information était extrèmement importante. L'association des amis de Cazaux-Debat qui tient ce site a été créée pour valoriser le patrimoine et la mémoire de cette toute petite commune. Parmi les motifs premiers qui m'ont  conduit à créer cette association, il y avait ce fait : un petit garçon gardé par l'institutrice de Cazaux-Debat puis confiée à celle de Barrancoueu et arrêté par les nazis.

 

Grâce au travail de Serge Klarsfeld sur les personnes déportées, nous avons pu recoupé l'information comme quoi un enfant âgé d'une dizaine d'années du nom de Georg Hirsch avait été arrêté et déporté depuis Amiens. Il s'agissait du fils de Georg Hirsch et d'Irma Diamant, comme celà a pu nous être confirmé par le DÖW, qui nous a mis en relation avec une demi-soeur de Georg Hirsch, Vera Hirsch. C'est par cette dernière que nous avons eu les photographies de Georg et de ses parents. Il n'y a pas eu de miracle mais un acharnement à conserver la mémoire de ces personnes.

 

C'est ainsi que nous avons pu obtenir des documents, les mémoires de Josef Gradl, grace au centre d'archives du KPÖ, le parti communiste autrichien, mouvement politique connu pour s'être particulièrement illustré dans la lutte contre le facisme puis le nazisme. Nous avons aussi trouvé les mémoires de Meisel, puis, sur le site du DÖW, celles de Paul Jellinek. 

 

Je tiens à saluer tout particulièrement le travail de Katarina Labarthe, membre de l'association de langue allemande qui a traduit les documents et les courriers et mails, ainsi que Françoise Bouygard qui a décidé, au nom de l'association, de mettre enforme les documents dans un livre à paraitre. C'est elle qui a compris comment Georg Hirsch, arrêté en mai 1943 à Barrancoueu, a été déporté en janvier 1944 depuis Amiens, et qui a pris contact avec la famille adoptive de Georg Hirsch à Amiens, les Schulhof. 

 

Depuis que nous avons réussi à trouver le noms des différentes personnes et les faits principaux les concernants, nous avions idée de faire apposer deux plaques, l'une à Cazaux-Debat, l'autre à  Barrancoueu. La municipalité a accepté, de même que celle de Cazaux-Debat, à la condition pour cette dernière que l'association finance la plaque.

 

L'association a donc trouvé une structure qui a financé les deux plaques, le Fonds national autrichien contre le national-socalisme, structure de la République d'Autriche. Nous remercions monsieur l'ambassadeur d'Autriche en Francet ses services, ainsi que la République d'Autriche pour leur grand efficacité et générosité. Les deux plaques ont été payées toutes taxes comprises.

 

C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés, le 18 mai dernier, à Cazaux Debat.

 

cazaux-debat-la-ceremonie.JPG

   La cérémonie d'inauguration à Cazaux-Debat

 

Discours de P. Bouygard, prononcé en tant que représentant de l'association :

 

"Monsieur le Ministre, Monsieur le Député, Monsieur le représentant du Conseil régional, Monsieur le représentant du Conseil général représentant Monsieur Pélieu empêché, Monsieur le Président du Pays d’art et d’histoire, Mesdames et messieurs les représentants des associations, chers amis,


L’association « les amis de Cazaux-Debat » a souhaité rendre un hommage à Jeanne Andrée Fourasté - devenue Jeanne Andrée Monacelli par son mariage -  pour le courage dont elle a fait preuve alors qu’elle était institutrice dans ce village pendant la seconde guerre mondiale.


Très tôt elle apporte une aide matérielle à des étrangers qui travaillent comme bûcherons près du village de Barrancoueu. Grace à elle, ce groupe trouve refuge à Cazaux-Debat dans la maison que vous voyez là.


Aider ces personnes lui fait courir un grand risque :


- autrichiennes ces personnes sont devenues depuis la défaite française et l’accord d’armistice du 22 juin 1940 des étrangers indésirables que la loi impose de renvoyer en Allemagne pour y être internées ;
- anciens des Brigades internationales pour la plupart, les hommes sont particulièrement visés par cette politique de déportation ;
- militants communistes, ils tombent sous le coup de la loi interdisant le parti communiste depuis 1940 ;
- certains sont juifs et, pourchassés dans le cadre de la législation antisémite du gouvernement de Vichy qui gouverne la zone Sud, ils risquent la mort dans les camps d’extermination nazis.


L’aide que leur a apporté Andrée Fourasté, avec d’autres institutrices, le Docteur Marquié et d’autres personnes du village et du département, s’appelle un acte de résistance.

 

Elle en a courageusement payé le prix. Le samedi 29 Mai 1943, Georg Hirsch, l’enfant qu’Andrée Fourasté était allé cherché à Bordeaux, et son institutrice Gabrielle Fisse sont arrêtés par le SA allemand à l’école de Barrancoueu. Le  lundi 31 mai 1943, Andrée Fourasté est à son tour arrêtée, à l’école de Cazaux-Debat.discours-PB.JPG


Emmenée à Amiens, Andrée Fourasté est ensuite conduite au camp d’internement de Romainville puis à Compiègne. Déportée au camp de Ravensbrück puis à Zwodau, elle est libérée en avril 1945.


L’hommage que nous lui rendons aujourd’hui est indissociable de celui que nous devons aux personnes qu’elle a aidés et qui ont lutté de façon résolue contre le fascisme,  en Autriche, en Espagne, en France. Leurs noms figurent sur cette plaque et l’association va publier prochainement un livre relatant leur vie à Cazaux-Debat et leurs courageux combats.


Permettez moi de les citer : Irene Spiegel qui a donné naissance à son fils Peter à Arreau, Martha Guttmann qui est décédée de maladie à l’hôpital de Tarbes, Karl Auer, Franz Gögginger, Albert Hirsch, Paul Jellinek, Ernst Kuntschik et Josef Meisel, qui ont été déportés pour faits de Résistance, Josef Gradl, Jan Gredler et Zalel Schwager qui ont continué le combat en Yougoslavie après la libération de la France, Richard Sehr et Harry Spiegel.


Je remercie le Gouvernement autrichien qui s’associe à l’hommage d’aujourd’hui en finançant intégralement cette plaque ainsi que celle de Barrancoueu.


Je veux aussi très chaleureusement saluer la présence parmi nous d’amis autrichiens :


- Irene Filip et son mari, Irene Filip qui dans le cadre du DÖW -le centre autrichien de documentation sur la résistance- nous apporte tout son concours pour mieux connaitre les « bûcherons de Cazaux-Debat »
- Véra Modjawer, venue avec son fils et sa nièce, fille d’Albert Hirsch qui est venu en 1940 dans les Pyrénées avant de résister dans le nord de la France, ce qui lui a valu d’être arrêté et déporté


Je remercie aussi pour sa présence Jean Michel Monacelli, le fils de Madame Monacelli, née Fourasté.


Madame Stéphanie Winkler, représentant Monsieur l’ambassadeur d’Autriche, Monsieur le député, monsieur Faugère, adjoint au maire de Cazaux-Debat, monsieur le maire de Barrancoueu, habitants des villages, membres des associations et vous tous qui êtes venus, je vous remercie de l’intérêt que vous avez bien voulu porter à cet hommage, intérêt que vous manifestez aujourd’hui par votre présence.


Dans leur correspondance, les Autrichiens présents dans ce village avaient coutume de désigner les résistants français en utilisant l’expression : « les gaullistes ». Le général De Gaulle a dit que la flamme de la résistance ne s’éteindrait pas. Cette flamme-là nous a été léguée et il nous appartient de l’entretenir. Par moments, on a l’impression qu’elle vacille.  La pose de cette plaque comme celle de Barrancoueu, 70 ans après les faits, et votre présence ici, contribue à la ranimer.


Je vous remercie."

 

Monsieur Faugère a ensuite pris la parole au nom de la municipalité de Cazaux-Debat. Il a rappelé l'engagement d'un certain nombre d'habitants du village dans la résistance, le parcours des Autrichiens et il a lu la lettre que ces derniers avaient écrit en 1972 au maire qu'ils avaient connu, Pierre Ferrou.

DISCOURS-B-Faugeres.JPG 

 Monsieur Marquié est intervenu en tant que Président du Pays d'art et d'histoire mais aussi et surtout parce que son père était le chef du réseau de résistance de Gabrielle Fisse, institutrice à Barrancoueu et Jeanne Monacelli. Il a ainsi rendu hommage à ces trois personnes.

 

Discours-R-Marquie.JPG 

 Enfin, M. Pierre Forgues, député, a rappelé l'action de la résistance, actions de minoritaire en France comme en Autriche, grace à qui nous vivons libres. Il a également insisté sur la discrétion de ces personnes, qui n'ont pas pu de ce fait être honnorées de leur vivant à leur juste mesure.

la-famille-Schulof.JPG

 Les familles écoutent les discours.

discours-P-ierre-Forgues.JPG 

 

Désormais, la plaque est installée au dessus de la fontaine, sur la place de Cazaux-Debat, "au centre du village" comme l'a indiqué Monsieur Faugère.

 

plaque à Cazaux Debat

 

Article paru dans la Dépêche du Midi :

 

http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/22/1358640-loudenvielle-hommage-pour-l-institutrice-resistante.html

 

Les personnes présentes se sont ensuite déplacées à Barrancoueu où les attendaient la plaque dédiée à Georg Hirsch.

 

Discours de Françoise Bouygard, représentnat l'association, à Barrancoueu :

 

"Madame la représentante de l’ambassade d’Autriche, Monsieur le ministre, Monsieur le député, monsieur le Conseiller général, monsieur le maire, chers amis


Là où le nazisme a essayé d’effacer jusqu’au souvenir des personnes assassinées, nous tous par notre présence à l’inauguration de cette plaque témoignons de l’importance de les garder en mémoire.


Quand l’association des amis de Cazaux-Debat a commencé ses recherches nous ne savions pratiquement rien de l’enfant arrivé en septembre 1942 à Cazaux-Debat et arrêté le 29 mai 1943 à l’école de Barrancoueu. Amené par les Allemands pour une destination inconnue, nous ne pouvions espérer une issue heureuse à cette arrestation. Mais cette ignorance de ce qui s’était vraiment passé nous était particulièrement douloureuse car elle donnait raison au projet nazi d’extermination et d’effacement des Juifs. A force d’obstination, une série de hasard, de chance, de rencontres émouvantes nous permet aujourd’hui de mieux connaître Georges ou plutôt Georg.


Et parce que sa vie ne se résume pas à sa fin tragique à Auschwitz, je voudrais en évoquer les moments heureux.


- les moments vécus à Vienne en Autriche où il est né en 1934, 1er enfant d’Albert Hirsch et d’Irma Diamant, qui s’étaient mariés 4 ans plutôt.
- Des moments heureux encore avec ses parents en Belgique et en France entre 1938 et 1942, malgré les dures conditions de vie de réfugiés pourchassés parce qu’autrichiens, communistes et juifs. C’est certainement à ce moment que son père lui a dit « un jour d’autres soldats viendront, ils auront une casquette avec une étoile rouge, ils te prendront dans leurs bras et on ira jouer au football tous ensemble. »


- Des moments heureux à Cazaux-Debat, dans une région encore épargnée par le conflit, où ses parents l’ont confié à l’institutrice Jeanne Fourasté et à leurs camarades résistants encore présents dans le village pour le mettre à l’abri. Il y écoute parfois la radio avec Maria Rey l’institutrice retraitée.


- Des moments heureux à l’école de Barrancoueu avec des camarades de son âge et notamment Jean Compagnet dont il parle dans une lettre à sa mère.


- Des moments heureux dans la famille qui le recueille à l’été 1943 après qu’il a été détenu à la Gestapo à Amiens. Cette famille le considère comme un fils, il va à l’école, il partage la chambre des parents Raymond et Lucie Schulhof, il est entouré de l’affection de leurs trois enfants Ginette, Jacqueline et Pierre.


Rappelant ces moments de bonheur dans la vie d’un enfant, je ne mésestime pas la tristesse et la peur qu’il a aussi ressenties loin de ses parents.


Mais je veux ainsi rappeler qu’il a aussi été aidé, entouré et aimé dans les Pyrénées notamment par Jeanne Fourasté, Gabrielle Fisse, ses camarades de classe de Barrancoueu aujourd’hui présents. Il a aussi été aidé, entouré et aimé à Amiens par Raymond, Lucie Schulhof, et Louise la mère de Lucie avec lesquels il a été arrêté au matin du 4 janvier 1944, déporté et assassiné à Auschwitz. Aujourd’hui, la présence de Vera Hirsch Modjawer la fille d’Albert Hirsch, de  Fabio Hirsch et  Roxanne Modjawer ses petits-enfants, de Jacqueline Blum fille de Raymond et Lucie Schulhof, de Michel l’un de leur petit fils et de son épouse, tous venus de loin, témoignent de cette affection.


L’association des amis de Cazaux-Debat se réjouit aujourd’hui d’avoir pu redonner avec l’aide de beaucoup d’entre vous un visage à Georg, grâce à vos témoignages, aux photographies retrouvées, à cette plaque installée avec le concours de l’ambassade d’Autriche et le soutien de monsieur le maire de Barrancoueu.


Je vous en remercie."

 

discours-Barrancoueu.JPG

 

 

Monsieur le Maire de Barrancoueu, Marcel Saint-Pasteur, a rappelé l'importance que représentait pour le village le fait d'honnorer Georg Hirsch ainsi que sa mère et les Schulhof avec qui il a été déporté. Il a rappelé la nécessité de ne jamais oublié ce crime inprescriptible.

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Monsieur Anglade, conseiller général représentant Monsieur le Président du Conseil général, est intervenu pour s'associer à l'hommage rendu.

 

Monsieur Glavany a pris la parole, rappelant le souvenir de ceux qui ont su protéger les plus menacés en cette période terrible de l'histoire, et aussi, ce que notre pays doit à des persones venus de l'étranger et qui se sont battues pour notre liberté.

 

Vera-Hirsch.JPG

La plaque a ensuite été dévoilée.

 

Vera Hirsch, demi-soeur de Georg Hirsch a pris la parole, au nom de son père et de ses camarades et au nom de son frère.

 

Enfin, Jean Compagnet, présent le jour de l'arrestation de Georg Hirsch à Barrancoueu, a fait revivre ce moment.

 

 

La municipalité de Barrancoueu avait organisé un buffet pour tout le monde, permettant à chacun de rencontrer l'autre et de mettre en commun leur souvenir.

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 Article paru dans la Dépêche du Midi :

 

http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/25/1361508-barrancoueu-a-la-memoire-du-jeune-georg-hirsch.html

 

Désormais il y a un lieu où le souvenir de Georg Hirsch et de sa mère sera honnoré. En quittant Barrancoueu, j'avais l'impression que Georg Hirsch veillait aussi sur Barrancoueu et sur les deux vallées d'Aure et du Louron.

 

plaque-Georg--2-.JPG

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